La coalition des ONG internationales contre la torture (CINAT) est gravement inquiète des rapports récemment parus sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés aux détenus irakiens par les forces militaires américaines et britanniques servant sous la bannière de l’Autorité provisoire de la coalition.
14 mai 2004
La coalition des ONG internationales contre la torture (CINAT) {{1}} est gravement inquiète des rapports récemment parus sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés aux détenus irakiens par les forces militaires américaines et britanniques servant sous la bannière de l’Autorité provisoire de la coalition.
La CINAT attire l’attention sur le fait que la torture et autres formes de mauvais traitements sont interdits dans toutes circonstances: le droit international ne permet aucune exception à cette règle. Nous espérons que la clameur internationale qui a suivi ces révélations servira d’avertissement aux gouvernements concernés et à tous les autres états; la vigilance doit demeurer le mot d’ordre.
Ces images flagrantes d’abus sont symptomatiques de la tendance alarmante qui s’affiche depuis quelques années et qui a pour conséquence d’ébranler les principes des droits de l’Homme et du droit international humanitaire dans la lutte contre le terrorisme.
Cette tendance est évidente non seulement dans l’isolation et l’abus des prisonniers en Irak, mais également dans d’autres parties du monde, telles que la baie de Guantánamo et les centres secrets de détention où les prisonniers sont détenus délibérément en dehors de la protection de la loi.
Il est également inquiétant de noter le débat actuel engagé autour de la question de savoir quelles seraient des techniques d’interrogatoire appropriées, et l’apparente “acceptabilité” de certaines formes de mauvais traitements et de torture délibérément infligés.
La CINAT appelle à une enquête approfondie et publique afin d’établir les faits relatifs aux allégations de torture et de mauvais traitements en Irak. Conformément à la déclaration faite par le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la torture le 3 mai, la CINAT lance un appel à “tous les pays ayant des forces armées servant en Irak à prendre des mesures promptes et efficaces afin d’enquêter, d’engager des poursuites et d’imposer des sanctions appropriées contre toute personne coupable des violations alléguées, et de fournir un recours effectif et une réparation adéquate aux victimes de ces abus”, y compris l’indemnisation et la réhabilitation.
La CINAT rappelle aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, et aux autres états que leur engagement à prévenir la torture et à réhabiliter les victimes, et à respecter les droits de l’Homme et le droit international humanitaire, exige le soutien actif des plus hautes autorités militaires et politiques. En particulier, les états doivent:
- Déclarer sans équivoque que la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris ce qu’il est convenu d’appeler les techniques de stress et de contrainte, sont strictement interdits en toutes circonstances ;
- Etablir des mécanismes clairs et transparents afin de garantir le respect de cette interdiction à tous les niveaux;
- Mettre fin à la détention au secret;
- Garantir des enquêtes indépendantes, impartiales, promptes et exhaustives sur chaque allégation de torture ou de tout autre abus et, s’il y a suffisamment de preuves, engager des poursuites et assurer qu’aucune personne déclarée responsable ne jouira de l’impunité, quelque soit sa position ou son rang;
- Fournir aux victimes ou à leurs familles une réparation totale et adéquate, tel que prévu par le droit international;
- S’assurer que le personnel civil et militaire est suffisamment bien formé aux droits de l’Homme et au droit international humanitaire, et que ces obligations légales sont pleinement intégrées dans la culture de l’armée;
- Garantir aux moniteurs des droits de l’Homme, y compris les Nations Unies, le CICR et les organisations non gouvernementales appropriées, un accès immédiat aux établissements de détention dans le monde entier;
- Engager un examen exhaustif des procédés d’interrogatoire afin de garantir qu’ils sont conformes aux normes internationales interdisant la torture et les mauvais traitements;
- Garantir un mécanisme qui permette aux détenus de contester la légalité de leur détention et de porter plainte au sujet de leur traitement;
- Examiner le statut légal de toute personne détenue en Irak par la Coalition, afin de s’assurer que tous ceux qui ne devraient pas être détenus soient libérés immédiatement et inconditionnellement.
La CINAT souligne également que les états demeurent responsables et ne peuvent se cacher derrière des entrepreneurs privés pour échapper à leurs obligations en vertu du droit international.
Ces révélations récentes soulignent l’importance de l’ouverture des portes de tous les lieux de détention à des organes de surveillance indépendants et impartiaux.
Par conséquent, nous appelons à tous les états à signer et à ratifier dès que possible la Convention des Nations Unies contre la torture et autres traitements ou punitions cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que son protocole facultatif, qui est un instrument de prévention établissant un système national et international pour la surveillance externe de tous les lieux de détention.
Iraq-torture-news-2004-fra (Texte complet en PDF)
Pied de page:
[[1]] Organisations membres de la CINAT: Amnesty International, l’Association pour la prévention de la torture (APT), la Commission Internationale de Juristes (ICJ), la Fédération Internationale de l’ Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (FIACAT), le Conseil international pour la réhabilitation des victimes de torture (IRCT), Redress et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).