Apr 27, 2017 | Communiqués de presse, Nouvelles
Pour la CIJ et deux autres groupes de défense des droits humains, la confirmation en appel de la condamnation de l’ancien président tchadien pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture est la conclusion d’une longue campagne menée par les survivants du régime.
La condamnation de Habré en mai 2016 a été confirmée par la Cour d’appel des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises le 27 avril 2017.
La Cour a également réaffirmé la sentence de perpétuité prononcée par la Chambre d’assises et a ordonné le paiement de 82 milliards de francs CFA (environ 123 millions d’euros) par Habré aux victimes.
« C’est une consécration pour les victimes de Hissène Habré qui, en 26 ans de lutte, n’ont jamais cessé de se battre pour le faire traduire en justice » a déclaré Reed Brody, avocat américain et membre la Commission internationale des juristes, qui travaille aux côtés des survivants depuis 1999.
« Cette condamnation définitive envoie un signal fort aux tyrans, à travers le monde, leur rappelant que s’ils commettent des atrocités, ils ne seront jamais hors de portée de leurs victimes, » a-t-il ajouté.
La Chambre d’appel a également confirmé la décision ordonnant de payer des réparations aux victimes et a précisé que l’argent devait être distribué via un Fonds créé par l’Union africaine (UA) qui sera chargé de chercher et recouvrer les avoirs de Habré.
Un résumé de la décision a été lu en audience par le Président de la Cour, Ouagadeye Wafi, un juge de la Cour suprême du Mali. La Cour était composée de Wafi et de deux juges sénégalais.
Habré, qui a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, n’était pas présent lorsque le jugement a été rendu.
Habré n’a jamais reconnu l’autorité des Chambres et est resté silencieux tout au long du procès. Ses avocats commis d’office ont interjeté appel en son nom.
Habré a fui au Sénégal en 1990, après qu’il ait été renversé par l’actuel président du Tchad Idriss Déby Itno.
Bien qu’il ait été arrêté et inculpé une première fois au Sénégal en 2000, une campagne de longue haleine a dû être menée par ses victimes avant que les Chambres africaines extraordinaires ne soient inaugurées par le Sénégal et l’UA en février 2013, pour juger des crimes internationaux commis au Tchad sous le régime de Hissène Habré.
« Depuis que je suis sorti de prison, il y a plus de 26 ans, je me suis battu pour que justice soit faite, » a déclaré Souleymane Guengueng, qui faillit mourir de mauvais traitements et de maladie dans les geôles de Habré, et qui a fondé l’Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré (AVCRHH). « Aujourd’hui, je me sens enfin libre. »
C’est la première fois que les tribunaux d’un État jugent l’ancien dirigeant d’un autre État pour des violations des droits humains.
La Chambre d’appel a jugé que bien qu’elle considérait crédible Khadidja Hassan Zidane, qui a déclaré que Habré l’avait violée à quatre occasions, elle ne pouvait pas condamner Habré d’avoir commis des viols car cette inculpation ne figurait pas dans l’acte d’accusation.
« Après 26 ans d’obstination, et presqu’autant d’années de procédure judiciaire, notre combat a enfin abouti, » a déclaré Jacqueline Moudeina, avocate principale des victimes et présidente de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH).
Des réparations octroyées aux victimes
Dans la décision rendue aujourd’hui, la Cour d’appel a confirmé la décision de la Chambre d’assises accordant à chaque survivante de viol et d’esclavage sexuel 20 million de francs CFA (environ 30 490 euros / 32 702 US dollars), à chaque survivant de tortures et de détention arbitraire ainsi qu’aux anciens prisonniers de guerre 15 millions de francs CFA (22 867 euros / 24 526 US dollars) et 10 millions aux victimes indirectes (15 244 euros / 16 350 US dollars).
La Cour a déclaré que 7 396 victimes étaient éligibles à recevoir des réparations et que les 3 489, qui n’ont pas fourni de documentation suffisante, pourraient s’adresser au Fonds créé par l’UA.
La Cour a déjà gelé certains avoirs de Habré, dont une maison dans les quartiers huppés de Dakar estimée à environ 680 000 euros ainsi que des petites sommes sur plusieurs comptes en banque.
Il est probable que Habré possède davantage d’actifs.
« L’argent ne me rendra jamais mes amis, » a déclaré Clément Abaïfouta, ancien prisonnier qui était forcé d’enterrer les corps de détenus dans des fosses communes et actuellement président de l’association des victimes. « Mais l’argent est important pour guérir les blessures, pour sortir les victimes de la pauvreté, et montrer que nous avons des droits qui doivent être reconnus. »
« Grâce à ce verdict, nous pouvons maintenant essayer de localiser et de saisir les avoirs de Habré et s’assurer que les victimes reçoivent bien réparation de leur préjudice, » a déclaré Me Moudeina.
Contact
Reed Brody, Commissaire de la CIJ, t: +1-917-388-6745 ; e: reedbrody(a)gmail.com
Tchad-Hissene Habre peine confirmee-News-Press Releases-2017-FRE (texte intégral, en PDF)
Nov 10, 2015 | Plaidoyer
Appel à la tenue d’une session spéciale du Conseil des droits de l’Homme afin de contribuer aux efforts onusiens et régionaux visant à prévenir la commission d’atrocités au Burundi
Lors de sa dernière session ordinaire, le Conseil des droits de l’Homme a exprimé de vives inquiétudes quant à la situation des droits humains au Burundi et a démontré sa capacité à répondre à une situation d’urgence en matière de droits humains en adoptant la résolution 30/271, qui lui permettra de discuter de la situation au Burundi à l’occasion de dialogues interactifs devant se tenir lors de ses trois sessions ordinaires en 2016.
Malheureusement, le Gouvernement du Burundi a échoué à répondre à l’appel à la retenue envoyé par le Conseil (notamment son appel à « s’abstenir de toute action susceptible d’exacerber les tensions au Burundi »), et la détérioration rapide de la situation des droits humains dans le pays ne permet pas au Conseil d’attendre sa trente-et-unième
session (mars 2016) pour prendre des mesures additionnelles afin de prévenir la commission d’atrocités au Burundi.
Suite dans le PDF ci-dessous:
Burundi-UN-OpenLetter-2015-FR (Lettre complète en PDF)
Sep 19, 2012 | Communiqués de presse, Nouvelles
La CIJ est profondément préoccupée d’apprendre que le Procureur Général de la République (PGR) en République Démocratique du Congo (RD Congo) a donné des injonctions aux membres du Conseil de l’Ordre du Barreau National de suspendre le Bâtonnier Mbuyi Mbiye Tanayi, Président de l’Ordre National des Avocats.
Le Bâtonnier Mbuyi Mbiye est connu pour sa persistance dans la dénonciation des attaques à l’indépendance de la justice par l’Exécutif en RD Congo et pour avoir souvent exhorté les avocats des parties, dans l’affaire Chebeya en cours, à prester leurs services sans crainte ni faveur.
Il est important de noter qu’en date du 12 juillet 2012 ou du moins autour de cette dernière, des agents du Service de Sécurité ont opéré des perquisitions au cabinet et au domicile du Bâtonnier Mbiye sans mandats de perquisition, et confisqué ses ordinateurs sur base d’allégations qu’il serait en connivence avec le mouvement rebelle du M23.
Tandis que nous publions ce document, il nous revient que les membres du Conseil National de l’Ordre se réunissent dans quelques heures pour délibérer sur l’éventuelle suspension du Bâtonnier Mbuyi Mbiye en tant que Président de l’Ordre National des Avocats, comme ordonné par le PGR.
La CIJ considère que l’interférence du PGR dans la gestion des affaires du Barreau et la persécution du Bâtonnier Mbuyi Mbiye constituent une violation avérée des Principes Fondamentaux relatifs à l’Indépendance de la Magistrature, des Nations Unies, et des Principes et Directives sur le Droit à un Procès Equitable et à l’Assistance Judiciaire en Afrique.
L’injonction faite aux membres du Conseil de l’Ordre sapent aussi sérieusement l’indépendance du pouvoir judiciaire, garantie par la Constitution de la RD Congo et l’article 14 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et l’article 26 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, auxquels la RD Congo est un État-partie.
La CIJ fait remarquer que l’indépendance des avocats est essentiel pour la protection et la promotion de l’état de droit et des droits humains dans une démocratie constitutionnelle. Cette indépendance exige que les avocats soient soumis à une autorégulation, qui devrait être exempte de toute ingérence irrégulière et injustifiée, et se conformer aux principes de l’éthique professionnelle.
L’autorégulation assure la protection du droit de chacun à des avocats indépendants qui adhèrent aux principes juridiques qui sous-tendent l’état de droit et le respect des droits humains. Pour que les membres du public aient accès à la justice, ils ont besoin d’assurance que, lorsque qu’ils auront besoin de représentation judiciaire dans n’importe quelle affaire, y compris celles contre l’État, ils seront représentés par des avocats qui servent la cause de la justice sans crainte ni faveur.
« L’interférence de l’autorité de poursuites publiques dans les affaires de la profession d’avocat ne peut qu’affaiblir l’état de droit et le respect des droits humains, et miner la confiance du public dans le système de justice. Dans toute démocratie constitutionnelle, l’on ne peut même pas enjoindre aux membres du Conseil de l’Ordre de tenir une réunion, et encore moins à suspendre leur président. », commente Arnold Tsunga, Directeur du Programme Régional Afrique de la CIJ.
La CIJ prie instamment le Procureur Général de la République à s’abstenir de s’immiscer dans les affaires du Barreau et à mettre fin aux persécutions contre le Bâtonnier Mbuyi Mbiye. La CIJ exhorte aussi les membres du Conseil de l’Ordre à rejeter les instructions du PGR et à résister à toute manipulation du Barreau.
De plus, la CIJ demande aux autorités congolaises compétentes d’assurer, en tout temps, que le Barreau, ses dirigeants et les membres de la fraternité juridique sont en mesure de s’acquitter de leurs devoirs sans crainte ou menace de représailles.
Contact:
Johannesburg: Linda Mtshali, Conseillère Juridique Adjointe, CIJ, Programme Régional Afrique, t +27 11 024 8268; e-mail: linda.mtshali(a)icj.org Genève: Ilaria Vena, Conseillère Juridique Adjointe, CIJ, Centre pour l’Indépendance des Magistrats et des Avocats, t +41 22 979 38 27; e-mail: ilaria.vena(a)icj.org
DRC-Persécution contre le bâtonnier-press release-2012-french (Communiqué de presse complet en PDF)
Photo credit: Radio Okapi/John Bompengo
Aug 22, 2012 | Articles, Nouvelles
L’ICJ, SADC LA et SALC expriment leur très profonde déception quant à la décision prise par le Sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernements de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) sur le Tribunal de la SADC.
Une telle décision prive le peuple de la SADC du droit d’accéder au Tribunal pour obtenir justice, estiment les trois organisations.
Le Communiqué Final du Sommet relève que les Présidents de la sous-région ont “décidé qu’un nouveau protocole sur le Tribunal soit négocié et que la compétence de ce dernier soit confinée à l’interprétation du Traité de la SADC et aux Protocoles prévoyant le règlement des disputes entre Etats-membres.
Cette décision torpille sérieusement un organe à part entière de la SADC – le Tribunal actuellement établi – et prive le peuple de la SADC du droit d’accéder au Tribunal pour obtenir justice.
Tribunal SADC décision-nouvelle web 2012 (Communiqué complet en FR, PDF)
Photo: Salc bloggers
Feb 8, 2012 | Plaidoyer
La Commission internationale de juristes (CIJ) exhorte les autorités de Djibouti à mettre fin immédiatement aux persécutions dont sont victimes acteurs judiciaires et défenseurs des droits humains dans le pays.
La CIJ leur rappelle aussi leur obligation légale de protéger les défenseurs des droits de l’homme et de garantir l’indépendance des juges et de la magistrature.
La CIJ est particulièrement préoccupée par le cas du juge Mohamed Cheick Souleiman, arrêté le 21 novembre 2011 pour avoir fait libérer, dans le cadre légitime de ses fonctions, 40 opposants politiques dont il considérait l’arrestation et la détention arbitraires. D’abord détenu dans un lieu secret, le juge Souleiman aurait ensuite été torturé à la prison de Gabode et privé d’accès à un médecin et à un avocat.
La CIJ s’inquiète également du sort réservé à deux journalistes défenseurs des droits humains, Houssein Robleh Dabar et Farah Abadid Hildid, arrêtés, détenus et apparemment torturés pour avoir appelé à une manifestation de soutien au juge Souleiman.
Ce dernier, déjà radié par le Conseil Supérieur de la Magistrature sans avoir pu se défendre,doit maintenant faire face à une procédure criminelle devant la Cour Suprême, qui l’accuse d’outrage envers le Président de la République et d’incitation à la rébellion, entre autres charges, note encore la CIJ.
« Selon les standards internationaux sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, un juge ne peut en aucun cas avoir à faire face à des accusations criminelles pour des décisions et des actes relevant de l’exercice de sa fonction juridique », insiste Ilaria Vena, conseillère juridique adjointe au Centre pour l’Indépendance des Magistrats et des Avocats, un programme de la CIJ. « Il est inadmissible de traiter un magistrat comme un criminel pour une action telle que celle du juge Souleiman ».
« Le juge Souleiman a été manifestement victime de plusieurs violations de ses droits les plus élémentaires. Son cas montre que l’indépendance du pouvoir judiciaire, garantie notamment par la Constitution de Djibouti, n’est souvent pas assurée, » ajoute Clément P. Mavungu, conseiller juridique au Programme Régional Afrique de la CIJ. « Les autorités compétentes doivent réhabiliter totalement le juge Souleiman et lui fournir réparation pour toute atteinte à ses droits. »
La CIJ demande également que les cas supposés de mauvais traitements et de torture infligés au juge Souleiman et aux journalistes Houssein et Farah fassent l’objet d’une enquête approfondie et impartiale.
Pour plus d’informations, contacter:
Clément P. Mavungu, conseiller juridique, CIJ, Programme Régional Afrique, t +27 11 024 8268; e-mail: clement.mavungu@icj.org
Ilaria Vena, conseillère juridique adjointe, CIJ, Centre pour l’Indépendance des Magistrats et des Avocats, t +41 22 979 38 27; e-mail: ilaria.vena@icj.org
NOTES:
- La CIJ considère que les poursuites engagées contre juge Souleiman et sa radiation pour avoir exercé ses devoirs professionnels constituent une violation grave des Principes Fondamentaux relatifs à l’Indépendance de la Magistrature, des Nations Unies, et des Principes et Directives sur le Droit à un Procès Equitable et à l’Assistance Judiciaire en Afrique, de l’Union Africaine. Elles sapent également l’indépendance du pouvoir judiciaire, garantie par la Constitution de Djibouti et l’article 14 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et l’article 26 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, auxquels le Djibouti est un État-partie.
- Constituée de 60 éminents juges et avocats du monde entier, la Commission Internationale de Juristes (CIJ) œuvre pour la promotion et la protection des droits humains dans le cadre de l’Etat de droit. Elle dispose d’une expertise juridique unique pour développer et renforcer les systèmes de justice nationaux et internationaux. Créée en 1952 et active sur les cinq continents, la CIJ veut garantir le développement et la mise en oeuvre du droit international des droits humains et du droit international humanitaire, veiller à la réalisation des droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux, s’assurer de la séparation des pouvoirs et préserver l’indépendance de la justice et des professions juridiques.