Suisse: position de la CIJ et de sa section suisse sur l’initiative “pour l’auto-détermination”

Suisse: position de la CIJ et de sa section suisse sur l’initiative “pour l’auto-détermination”

Le 25 novembre 2018, les citoyens suisses seront appelés à voter sur l’initiative populaire dite “le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l’autodétermination)”. La Commission Internationale de Juristes (CIJ) et la Section suisse de la CIJ ont appelé aujourd’hui le peuple suisse à considérer attentivement les conséquences néfastes que pourrait avoir cette initiative si elle était adoptée.

La campagne contre l’initiative la considère en effet comme une initiative “anti-droits de l’Homme”.

“Si elle était approuvée, cette initiative rendrait plus difficile l’accès aux tribunaux suisses pour toute personne revendiquant ses droits humains”, affirme Massimo Frigo, conseiller juridique principal de la CIJ. “Le peuple suisse perdrait une défense importante contre les abus qui pourraient être commis par l’Etat ou par des privés.”

Contrairement à ce que son titre suggère, cette initiative est dirigée contre le droit international en général (à l’exception des rares règles impératives du droit international), qui inclut les traités multilatéraux internationaux ou les accords administratifs et commerciaux bilatéraux.

Ainsi, l’initiative irait manifestement à l’encontre du principe juridique fondamental de l’Etat de droit, lequel stipule que les Etats ne peuvent pas invoquer une disposition de leur droit interne pour justifier la non exécution de leurs obligations de droit international.

“La Suisse, qui accueille nombreuses institutions responsables de l’élaboration du droit international, a une longue et prestigieuse histoire en tant que promoteur du droit international. L’adoption de cette initiative nuirait gravement à la réputation de ce pays et à son leadership dans ce domaine”, ajoute Massimo Frigo.

“Le rôle accordé au droit international par la constitution suisse et la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse est essentiel pour assurer non seulement la fidélité de la Suisse en tant qu’Etat partie des traités internationaux, mais aussi son rôle d’acteur central et de promoteur dans plusieurs domaines du droit international, comme le commerce international, ainsi que la sécurité juridique en Suisse,” déclare le professeur Marco Sassòli, Commissaire de la CIJ et membre du Comité exécutif de sa section suisse.

“Une grande partie du succès économique et diplomatique de la Suisse résulte de son adhésion et de son soutien sans faille au droit international. Des valeurs suisses essentielles telles que la neutralité ou son engagement en faveur de la protection des victimes de la guerre trouvent leurs fondement dans le droit international,” ajoute le professeur Sassòli.

Bien que son titre le laisse entendre, cette initiative n’est pas dirigée contre les “juges étrangers” mais contre la pratique des juges suisses, ceux du Tribunal fédéral, estiment la CIJ et sa Section suisse.

Selon elles, l’initiative ignore que l’auto-détermination des peuples les soumet au droit international et que la conclusion des traités n’est pas contraire à la souveraineté de l’Etat, mais en est l’expression.

Le texte de cette initiative, si approuvé, pourrait amener à l’érosion de la primauté du droit international parmi les sources du droit en Suisse, disent encore la CIJ et sa Section suisse.

Elles rejoignent les multiples ONGs, syndicats, acteurs économiques, partis politiques, Suissesses et Suisses qui veulent assurer leurs droits et ceux de toutes les personnes en Suisse, et appellent les électeurs à prendre sérieusement en considération les arguments développés ci-dessus avant d’exprimer leur vote et de ne pas baser leur décision sur la base de slogans tels que “auto-détermination”, “démocratie” ou “juges étrangers”.

Contact:
Massimo Frigo, conseiller juridique pricipal, t: +41 22 979 38 05 ; e: massimo.frigo(a)icj.org

Les finalistes du Prix Martin Ennals 2019 sont connus

Les finalistes du Prix Martin Ennals 2019 sont connus

Eren Keskin (Turquie), Marino Córdoba Berrio (Colombie) et Abdul Aziz Muhamat (Papouasie-Nouvelle-Guinée / Australie) se disputeront ce prix prestigieux remis aux défenseur(e)s des droits de l’Homme ayant fait preuve d’un profond engagement et confronté(e)s à de grands risques personnels. La CIJ est membre du jury.

Pologne: la CIJ condamne la nomination illégitime de 27 juges à la Cour suprême

Pologne: la CIJ condamne la nomination illégitime de 27 juges à la Cour suprême

La CIJ a condamné aujourd’hui la nomination par le président Andrzej Duda de 27 juges à la Cour suprême en remplacement de ceux qui ont été mis «à la retraite forcée» en juillet dernier.

«Ces nominations sont manifestement illégitimes et portent gravement atteinte à l’état de droit en Pologne», a déclaré Róisín Pillay, directrice de programme de la CIJ pour l’Europe et l’Asie centrale.

Les nouvelles nominations visent à remplacer les juges de la Cour suprême, y compris la présidente de la Cour suprême, Małgorzata Gersdorf, dont la «retraite forcée» constitue une violation flagrante des normes internationales relatives à la sécurité du mandat et à l’indépendance des juges.

La décision du président est d’autant plus préoccupante qu’elle enfreint une décision de la Cour suprême suspendant la loi en vertu de laquelle ces nominations ont été faites, dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.

L’un des principes fondamentaux de l’état de droit et des principes relatifs à l’indépendance du pouvoir judiciaire est que l’exécutif respecte les décisions dûment prises par le pouvoir judiciaire.

«En annonçant ces nominations maintenant, alors que des cas relatifs à la retraite forcée de juges de la Cour suprême sont toujours pendants à la Cour européenne, le président Duda a ignoré les procédures de l’instance judiciaire suprême de l’Union européenne», a ajouté Róisín Pillay.

La CIJ considère que la légalité de la nomination des nouveaux juges est d’avantage compromise par le rôle joué par le Conseil national de la magistrature, désormais politisé, dont l’indépendance et l’impartialité ont été gravement compromises par les récentes modifications législatives.

La CIJ exhorte les autorités polonaises à cesser toute ingérence envers la Cour suprême dans l’exercice de ses fonctions légitimes, et à inverser les mesures prises de contraindre les membres de la Cour suprême à prendre leur retraite.

Contexte

Cette offensive contre les agissements de la Cour suprême a lieu dans le cadre d’un travail de sape systématique de l’indépendance du pouvoir judiciaire en Pologne par les autorités exécutives et législatives polonaises, dans le but d’accroître leur influence politique sur le pouvoir judiciaire, ce que la CIJ a maintes fois condamné.

Plus tôt cette année, la Pologne a adopté une nouvelle loi sur la Cour suprême qui tente de contraindre un tiers des juges à la Cour suprême « à prendre leur retraite », y compris son Premier président, en abaissant l’âge de la retraite obligatoire de ses juges de 70 à 65 ans. Cette mesure contrevient clairement au droit et aux standards internationaux relatifs aux droits de l’Homme.

La Commission européenne a lancé une procédure d’infraction pour non-conformité de cette loi avec le droit européen.

En l’absence de réformes satisfaisantes de la part de la Pologne, la Commission a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 24 septembre et a demandé des mesures provisoires pour rétablir la Cour suprême de ce pays dans sa situation antérieure au 3 avril 2018.

Au même moment, la Cour suprême de Pologne a adressé à la CJUE une demande de décision préliminaire visant à obtenir son interprétation sur la conformité de sa législation sur l’âge de la retraite des juges au regard du droit européen, en particulier en ce qui concerne l’interdiction de la discrimination basée sur l’âge, et ce en vertu de la Directive 2008/78. .

Conformément à la jurisprudence de la CJUE, la Cour suprême a suspendu l’application du droit national sur la retraite forcée des juges.

Une lettre de la CIJ du 11 juillet 2018 (uniquement disponible en anglais), signée par 22 hauts magistrats de toutes les régions du monde, a exhorté le gouvernement polonais à agir immédiatement pour réintégrer les juges mis de force à la retraite.

Europe: sauver le navire de sauvetage en Méditerranée

Europe: sauver le navire de sauvetage en Méditerranée

Les dirigeants européens doivent agir rapidement pour aider l’Aquarius, dernier navire de recherche et de sauvetage non-gouvernemental opérant en Méditerranée, à s’immatriculer après le retrait de son pavillon par les autorités panaméennes, ont annoncé aujourd’hui cinq organisations internationales des droits de l’Homme dans une lettre ouverte (uniquement disponible en anglais).

La lettre a été envoyée aux dirigeants européens à l’occasion du cinquième anniversaire du naufrage de Lampedusa, qui a fait au moins 368 morts, les exhortant à offrir un pavillon à l’Aquarius.

«l’Aquarius a sauvé des dizaines de milliers de vies en mer, comblant ainsi le vide laissé par les États», a déclaré Judith Sunderland, directrice adjointe par intérim de Human Rights Watch pour l’Europe et l’Asie centrale, au nom des organisations. «Quel meilleur hommage à ceux qui sont morts au large de Lampedusa il y a cinq ans que de veiller à ce que l’Aquarius, symbole de solidarité et de respect de la vie et de la dignité humaines, puisse continuer à sauver des vies».

La lettre a été signée par Amnesty International, Human Rights Watch, le Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (ECRE), la Commission internationale de juristes (CIJ) et la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH).

SOS MEDITERRANEE et MSF ont lancé une pétition ici (uniquement disponible en anglais).

Pour plus d’informations et pour organiser une interview, veuillez contacter:

Róisín Pillay, Directeur de programme auprès de la CIJ Europe: + 32 2 734 84 46; ou roisin.pillay@icj.org

La lettre complète est disponible ici: Europe-Aquarius Letter-Advocacy-Open Letter-2018-EN (uniquement disponible en anglais)

Turquie: la CIJ alerte le Commissaire européen aux droits de l’Homme pour protester contre l’interdiction des mères de personnes disparues

Turquie: la CIJ alerte le Commissaire européen aux droits de l’Homme pour protester contre l’interdiction des mères de personnes disparues

La CIJ a écrit aujourd’hui à la Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, pour demander d’intervenir contre la décision des autorités turques d’interdire l’accès à la place Galatasaray d’Istanbul (Turquie) à un collectif de mères de personnes disparues appelées « les Mères du samedi ».

Le 25 août 2018, le sous-gouvernorat du district de Beyoğlu à Istanbul a prononcé une interdiction de se rassembler pour tout type de manifestation sur la place Galatasaray à Istanbul, la place où ont pris l’habitude de se réunir chaque samedi « les Mères du samedi » d’abord de 1995 à 1998, et ensuite de 2009 jusqu’à 2018.

À la 700ème semaine de leurs manifestations pacifiques, les Mères du samedi et leurs partisans se sont réunis en milieu de journée sur la place Galatasaray pour sensibiliser une fois de plus sur la nécessité pour les responsables des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées les années 1990 de rendre des comptes.

La police a utilisé des gaz lacrymogènes pour mettre fin à la manifestation et a arrêté 47 personnes. Toutes ont été libérées samedi soir.

Des officiers supérieurs des autorités turques ont même publié des déclarations accusant les Mères du samedi d’avoir été abusées par des organisations terroristes ou d’être en collusion avec elles.

La CIJ a écrit au Commissaire européen aux droits de l’Homme qu’elle « considère que cette situation est contraire aux obligations de la Turquie en vertu du droit international humanitaire, en particulier du droit de réunion pacifique en vertu de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ».

La CIJ a ajouté que « compte tenu de la constance et de la présence des Mères du samedi sur la place Galatasaray au fil des ans, il est difficile de voir comment la restriction de leur droit de réunion pacifique pourrait être nécessaire et proportionnée à un objectif légitime.

Il est clair qu’aucun avertissement préalable pour le rassemblement n’était nécessaire pour des raisons de sécurité compte tenu de son occurrence régulière au moins depuis sa reprise en 2009, c’est-à-dire il y a neuf ans. En outre, la manifestation a eu lieu dans une zone piétonne où les voitures ne sont pas autorisées ».

ICJ-Letter-SaturdayMothers-CoEComm-Turkey-2018-ENG (télécharger la lettre, uniquement disponible en anglais)

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