Répression de l’affilié de la CIJ dans un contexte de harcèlement judiciaire croissant

Répression de l’affilié de la CIJ dans un contexte de harcèlement judiciaire croissant

La CIJ considère que le harcèlement répété des autorités tunisiennes à l’égard de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH), son affilié, constitue une atteinte inacceptable à ses activités légitimes. 

Le blocus et les abus policiers ont empêché, le 28 mai, la tenue du Congrès national de la LTDH, rappelle la CIJ.

La LTDH avait initialement prévu de tenir son 6ème Congrès national du 9 au 11 septembre 2005, mais le Tribunal de première instance de Tunis lui avait ordonné en référé de suspendre ses assises ainsi que tous les travaux préparatoires.

Déjà à cette occasion, la CIJ avait condamné la décision du Tribunal comme contraire à la Déclaration sur les Défenseurs des Droits de l’Homme de l’ONU qui consacre le droit de chacun, individuellement ou collectivement, de « promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’homme et des libertés fondamentales » et de « se réunir et se rassembler pacifiquement ».

La LTDH avait décidé de reporter son Congrès aux 27 et 28 mai, mais les autorités tunisiennes ont déployé un dispositif policier d’envergure afin d’empêcher l’accès des participants à la réunion, allant même jusqu’à bloquer certaines routes pour refouler des membres des comités de section locales qui se rendaient au siège de la LTDH à Tunis.

Les forces de l’ordre ont bloqué l’accès au bureau central de la Ligue à des diplomates étrangers et autres invités, dont des ligues affiliées à la FIDH, par exemple l’Association Marocaine des Droits de l’Homme et l’Organisation Marocaine des Droits Humains, cette dernière également affiliée à la CIJ. Seuls les membres du Comité directeur ont pu se réunir, mais certains d’entre eux ont été agressés et insultés par des policiers.

« Les ressources considérables déployées par les autorités tunisiennes pour museler le congrès annuel d’une des plus anciennes organisations de défense des droits de l’homme dans la région reflètent le mépris croissant de la Tunisie pour les droits de l’homme, et notamment le droit fondamental à la liberté d’opinion, d’expression et d’association », a souligné la CIJ.

Ces incidents interviennent dans un contexte de tensions croissantes entre les autorités et le monde judiciaire tunisiens.

A la suite de l’adoption d’une nouvelle loi par le Parlement le 9 mai créant un Institut supérieur du barreau, plusieurs avocats qui participaient à un sit-in pour dénoncer cette loi ont été agressés physiquement par la police.

Quelques jours plus tard, le 23 mai, des avocats qui protestaient devant le Palais de Justice contre cette même loi qui, d’après eux, « porte atteinte à l’indépendance de la profession, le barreau ne jouant aucun rôle dans cette école », ont été tabassés par la police.

La CIJ constate que les autorités tunisiennes, loin de garantir la protection des avocats et de s’assurer que ces derniers puissent “s’acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue” comme l’exigent les Principes de base relatifs au rôle du barreau de l’ONU, sont au contraire celles-là mêmes qui matraquent, répriment ou même détiennent des avocats en prison, tel Maître Abbou.

« Il est paradoxal de constater que la Tunisie, à peine élue membre du tout nouveau Conseil des Droits de l’Homme et qui se targue d’avoir ‘mis en œuvre un cadre juridique complet afin d’éviter toute violation des droits de l’homme’, intensifie sa répression à l’égard des défenseurs des droits de l’homme et des principes d’une justice indépendante », a relevé l’organisation.

Elle appelle les autorités tunisiennes à respecter les droits de l’homme fondamentaux et notamment les engagements qu’elles ont pris au moment de leur élection au Conseil, ainsi qu’à cesser tout harcèlement des défenseurs des droits de l’homme et des professionnels de la justice.

Alors que le Tribunal devrait statuer sur le fond le 3 juin 2006, la CIJ demande l’annulation définitive de toute procédure judiciaire à l’encontre de son affilié.

Tunisia-repression affiliate-press release-FRE-2006

La Tunisie et le Sommet Mondial sur la Société de l’Information: le droit à la liberté d’opinion et d’expression bafoué

La Tunisie et le Sommet Mondial sur la Société de l’Information: le droit à la liberté d’opinion et d’expression bafoué

La CIJ exprime ses graves préoccupations concernant l’absence de volonté de la part du gouvernement tunisien – hôte du Sommet Mondial sur la Société de l’Information (SMSI) en novembre 2005 – de respecter le droit à la liberté d’opinion et d’expression.

La détention arbitraire et la condamnation de l’avocat Me Mohammed Abbou pour avoir exercé ce droit constitue un paradoxe en regard des principes mêmes sur lesquels se fonde le SMSI.

Me Abbou a été condamné en avril 2005 à trois ans et demi de prison lors d’un procès inique portant sur deux chefs d’accusation. Suite à la publication d’un article en août 2004 dans lequel il comparait les conditions de détention dans les prisons tunisiennes avec celles d’Abu Ghraib en Iraq, Me Abbou a été condamné pour « publication d’écrits de nature à troubler l’ordre public » et pour « diffamation d’instances judiciaires ».

Une semaine avant le procès, il a aussi été accusé d’avoir agressé une avocate en juin 2002 – une accusation qui n’a pu être prouvée. La condamnation a été confirmée en juin 2005.

Tunisia-lack repect right-press release-2005 (Communiqué de presse complet en PDF)

Le tribunal confisque la liberté d’expression de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme

Le tribunal confisque la liberté d’expression de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme

La CIJ déplore la décision du Tribunal de première instance de Tunis de ne pas autoriser cette organisation affiliée à la CIJ à tenir son congrès annuel comme prévu les 9, 10 et 11 septembre 2005.

« Alors que la Tunisie sera bientôt l’hôte du Sommet Mondial sur la Société de l’Information, de tels agissements deux semaines avant la réunion préparatoire du Sommet révèlent les contradictions flagrantes entre l’image que le pays tente de projeter sur la scène internationale et la répression au niveau interne » a déclaré le Secrétaire Général de la CIJ, M. Nicholas Howen.

La CIJ déplore de telles procédures à l’égard de son affilié, de même qu’à l’encontre de tout autre organisation ou personne œuvrant pour la protection et la promotion des droits de l’homme. « De telles pratiques constituent une violation flagrante des obligations internationales de la Tunisie, notamment les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association consacrés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques » a poursuivi M. Howen. La décision du Tribunal est d’autre part totalement contraire à la Déclaration sur les Défenseurs des Droits de l’Homme qui réaffirme le droit des individus et des associations à « protéger et promouvoir la réalisation des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

La CIJ constate d’autre part que les entraves à l’encontre du travail de la Ligue s’inscrivent dans un contexte d’intensification des contraintes et de harcèlement de la part des autorités à l’égard de plusieurs organisations, comme l’Association des Magistrats Tunisiens. En outre, l’annulation du Congrès annuel de la LTDH n’est pas une première, puisque ce même Tribunal de première instance de Tunis avait déjà annulé le 12 janvier 2001 une précédente assemblée générale. « Il est très préoccupant de constater que les instances juridiques persistent à prendre des décisions contraires aux obligations internationales de la Tunisie et s’acharnent à harceler une organisation qui ne fait que défendre et promouvoir les droits de l’homme » a ajouté M. Howen.

La LTDH a été assignée en référé le 1er septembre 2005, et le 5 septembre, le Tribunal de première instance a intimé l’ordre à la Ligue de suspendre son congrès ainsi que tous les travaux préparatoires visant à en faciliter la tenue.

Par ailleurs, la chambre civile du Tribunal de première instance de Tunis examinera ultérieurement une demande d’annulation de la convocation du Comité Directeur de la LTDH pour son 6ème Congrès.

La CIJ réaffirme son ferme soutien à son affilié et demande instamment que la Ligue puisse se réunir comme elle l’entend et mener dorénavant ses travaux sans entraves et harcèlement d’aucune sorte.

Tunisia-Ligue des Droits de l’Homme-press release-2005-fra (text in French, PDF)

Tunisia-Ligue des Droits de l’Homme-press release-2005-ara (text in Arabic, PDF)

Confirmation en appel de la condamnation de l’avocat tunisien Abbou: justice illusoire, condamnation réelle

Confirmation en appel de la condamnation de l’avocat tunisien Abbou: justice illusoire, condamnation réelle

La CIJ et la FIDH expriment leur consternation à l’annonce de la confirmation, par la Cour d’appel de Tunis, de la condamnation de Maître Abbou à 3 ans et demi de prison.

Cette condamnation intervient à l’issue d’une audience marathon. La CIJ et la FIDH dénoncent ce qui ressemble à une parodie de procès où le droit à un procès équitable est de nouveau bafoué par la justice tunisienne.

La CIJ et la FIDH qui avaient mandaté un observateur judiciaire au procès en appel de Maître Abbou dénoncent les conditions déplorables dans lesquelles s’est déroulé le procès, aux mépris des règles les plus élémentaires du droit à un procès équitable par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi.

« Ce procès démontre une fois de plus les compromissions et l’instrumentalisation de la justice tunisienne. La justice fait partie intégrante de l’appareil répressif des autorités tunisiennes et tout recours à celle-ci est illusoire », a regretté Nicholas Howen, Secrétaire général de la CIJ.

Dans une ambiance survoltée, les avocats, observateurs internationaux et diplomates venus en nombre assister au procès ont eu des difficultés à franchir les barrages policiers à l’entrée de la Cour d’appel. Des représentants des forces de l’ordre se trouvaient également à l’intérieur de l’édifice.

La salle d’audience était par ailleurs largement occupée par des fonctionnaires de l’Etat, ce qui a permis à la présidente de la Cour d’appel de prétexter le manque de place pour refuser l’accès à la salle d’audience à de nombreux avocats de tunisiens.

Après de multiples suspensions d’audience et l’évacuation, à la demande de la Cour, des représentants diplomatiques présents dans la salle, les deux affaires pour lesquelles Me Abbou était jugé ont été examinées de façon expéditive.

Les avocats observateurs internationaux, également enjoints de quitter la salle d’audience, ont finalement pu assister aux débats suite au tollé général suscité chez leurs confrères tunisiens présents au procès.

La FIDH et la CIJ déplorent le fait qu’avant et pendant les débats, aucun argument juridique n’a été soulevé, renforçant ainsi le climat de non-droit entourant le procès de Me Abbou. En outre, les règles élémentaires de procédure pénale semblent avoir été totalement ignorées par la Cour d’appel de Tunis.

En effet, aucun débat au fond n’a finalement eu lieu et aucun nouveau réquisitoire n’a été prononcé par l’avocat général; par ailleurs il était impossible pour le prévenu de s’exprimer comme il le souhaitait au cours des très brefs débats, l’ordre lui étant intimé de répondre aux questions de la Cour par l’affirmative ou la négative.

La défense de Maître Abbou a justement souligné la violation évidente du droit à un procès juste et équitable par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi en dénonçant particulièrement l’absence de publicité des débats et le non respect des droits de la défense, avant de quitter la salle en refusant de plaider.

Après 3 heures de délibéré, la Cour d’appel de Tunis a confirmé la condamnation de Mohamed Abbou à trois ans et demi de prison. « Cette condamnation sévère de la liberté d’expression conforte nos plus vives préoccupations quant à la capacité ou la volonté des autorités tunisiennes de respecter leurs engagements au regard du droit international à la fois dans le cadre de l’organisation de la participation de la société civile au Sommet mondial de la société de l’information en novembre 2005 et dans la mise en oeuvre de la société de l’information en Tunisie » a déclaré Sidiki Kaba, le président de la FIDH.

Nos organisations réitèrent leur appel aux autorités tunisiennes de respecter la liberté d’expression et dénoncent le caractère arbitraire de la détention de Me Abbou pour avoir pacifiquement exercé ce droit.

Nos organisations demandent en conséquence la libération immédiate de Me Abbou dans l’affaire relative à l’exercice de la liberté d’expression et le droit de Me Abbou de bénéficier d’un nouveau jugement respectueux du droit à un procès équitable par un tribunal compétent, indépendant et impartial, y compris les droits de la défense.

Rappel : La FIDH et la CIJ rappellent que Me Abbou incarcéré depuis le 1er mars 2005, avait été condamné le 28 avril 2005 à une peine de trois ans et six mois de prison ferme par la 4ème Chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Tunis dans le cadre de deux affaires jugées le même jour.

La première affaire portait sur la “publication d’écrits de nature à troubler l’ordre public” et sur la “diffamation d’instances judiciaires” suite à la publication d’un article en août 2004 dans lequel Mohammed Abbou comparaît les conditions de détention dans les prisons tunisiennes à celles dans la prison d’Abou Ghraib en Irak.

La deuxième affaire avait été ajoutée une semaine avant le procès et est relative à une plainte pour violences déposée par une avocate en juin 2002, suite à une altercation entre celle-ci et Mohammed Abbou. Cette affaire intervient dans un climat délétère à l’encontre des avocats tunisiens.

Depuis le mois de mars 2005, la multiplication des attaques contre les avocats et les tentatives d’interférences dans le fonctionnement du barreau tunisien sont des plus préoccupantes et portent gravement préjudice au bon fonctionnement de la justice, laquelle repose sur l’existence d’une magistrature et d’un barreau indépendants.

Tunisia-confirmation trial Abbou-press release-2005 (full text in French, PDF)

Climat délétère pour les avocats tunisiens

Climat délétère pour les avocats tunisiens

La CIJ a aujourd’hui adressé aux autorités tunisiennes une intervention dans laquelle elle exprime ses préoccupations sur le climat délétère régnant en Tunisie à l’encontre des avocats.
Depuis le mois de mars 2005, la multiplication des attaques contre les avocats et les tentatives d’interférences dans le fonctionnement du barreau tunisien sont des plus préoccupantes et portent gravement préjudice au bon fonctionnement de la justice, laquelle repose sur l’existence d’une magistrature et d’un barreau indépendants.

Tunisia-lawyers-open letter-2005 (Texte complet en PDF)

Translate »