La décision du Tribunal de District de Yangon de condamner aujourd’hui les journalistes de Reuters, Wa Lone et Kyaw Soe Oo, à sept ans d’emprisonnement pour violation de la loi sur les secrets officiels porte gravement atteinte aux droits de l’Homme et à l’état de droit au Myanmar.
“La décision de la Cour punit dans les faits ces deux journalistes courageux pour avoir dénoncé des violations des droits de l’Homme, à la suite d’un procès manifestement inéquitable”, a déclaré Frederick Rawski, directeur de la CIJ pour l’Asie-Pacifique.
“La décision est une erreur judiciaire qui leur inflige des souffrances inutiles ainsi qu’à leurs familles, menace la liberté d’expression, porte atteinte à la réputation mondiale du Myanmar et sape ses institutions judiciaires en même temps”, a-t-il ajouté.
La CIJ a suivi l’affaire depuis la détention initiale des journalistes en décembre 2017.
Comme indiqué précédemment par la CIJ, la détention et le procès ont violé de nombreuses garanties fondamentales relatives à l’équité des procès.
Les procureurs avaient le devoir d’abandonner les accusations et le juge aurait dû rejeter l’affaire en raison de l’absence de preuves et de l’illégalité de la détention en raison de violations du droit à un procès équitable.
“L’affaire est emblématique de la manière dont le système judiciaire finit par renforcer l’impunité des militaires plutôt que de la remettre en cause”, a déclaré M. Rawski.
“Le résultat sape les affirmations du gouvernement selon lesquelles il peut rendre des comptes par lui-même sur les violations des droits de l’Homme, et ne fait rien pour que le système judiciaire agisse de manière indépendante et impartiale après des décennies de régime militaire”.
Les membres des forces de sécurité jouissent généralement de l’impunité pour la perpétration de violations des droits de l’Homme, notamment pour des crimes en droit international.
La CIJ a déjà rapporté que les victimes et leurs familles, ainsi que les journalistes, font souvent l’objet de représailles pour avoir diffusé des informations sur les violations des droits de l’Homme commises par l’armée.
Wa Lone et Kyaw Soe Oo ont été arrêtés en décembre 2017 et détenus au secret pendant près de deux semaines avant d’être accusés, en vertu de la loi sur les secrets officiels datant de l’époque coloniale, pour avoir prétendument été en possession de documents liés aux opérations des forces de sécurité dans le nord de l’État de Rakhine, lors “d’opérations de nettoyage”.
Les deux reporters avaient dénoncé des violations des droits de l’Homme dans l’État de Rakhine, notamment l’assassinat de Rohingyas par l’armée dans le village d’Inn Dinn.
Dans un rapport publié la semaine dernière (uniquement disponible en anglais), la mission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies a constaté que les forces de sécurité avaient commis des crimes en droit international au cours de ces opérations, notamment des crimes contre l’humanité et peut-être un crime de génocide.
La détention et la mise en accusation de quiconque, y compris de journalistes, se basant uniquement sur la collecte et la publication de preuves pertinentes en matière de violations graves des droits de l’Homme constituent une violation du droit international et des normes relatives à la liberté d’expression, au droit de participer à la conduite des affaires publiques et au rôle des défenseurs des droits de l’Homme.
Les options légales disponibles pour les journalistes incluent de requérir à la décision d’aujourd’hui et demander une grâce présidentielle.