345. Le 4 décembre 2008, la Rapporteuse spéciale, conjointement avec l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Burundi, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et le Rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, a envoyé une lettre d’allégations sur le cas suivant.
346. L’Assemblée Nationale du Burundi aurait adopté le 22 novembre 2008 le projet de Code pénal révisé. Ce projet prévoit dans une nouvelle disposition la criminalisation de l’homosexualité et condamne ainsi tout acte sexuel entre des personnes du même sexe consentantes jusqu’à une peine de 2 ans d’emprisonnement.
347. Ce projet de Code stipule que « Quiconque a des relations sexuelles avec une personne du même sexe est puni d’une servitude pénale de trois mois à deux ans et d’une amende de cinquante mille francs à cent milles francs ou d’une de ces peines seulement ».
350. Le Comité de droits de l’homme des Nations Unies s’est prononcé sur le sujet de l’homosexualité à plusieurs reprises et a conclu que la criminalisation de l’acte sexuel entre des personnes consentantes de même sexe constitue une violation du droit à la vie privée et au droit à l’égalité devant la loi. Le même Comité a aussi déclaré qu’une telle criminalisation est également contraire aux articles 17(1) et 26 du Pacte international sur les droits civils et politiques (Toonen contre Australie, mars 2004), ainsi qu’aux obligations fondamentales d’égalité et de non-discrimination énumérées dans la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples. Les conventions citées ci-dessus font partie intégrante de la Constitution du Burundien conformité avec son article 19.
351. Ce même Comité a affirmé cette position à plusieurs reprises, soit en demandant aux Etats de retirer les lois criminalisant l’homosexualité, soit en leur demandant de les mettre en conformité avec le Pacte. Le Comité considère également que ces lois vont à l’encontre du droit relatif à la vie privée, qu’il soit applicable ou non et « vont à l’encontre de la mise en oeuvre des programmes éducatifs concernant la prévention du SIDA » en poussant les groupes déjà marginalisés vers la clandestinité.
352. Cette position a également été adoptée par la Cour Européenne des droits de l’homme (Dudgeon vs United Kingdom, Norris v Ireland; Modinos v Cyprus) et la Cour Constitutionnelle de l’Afrique du Sud (National Coalition for Gay and Lesbian Equality and another v Minister of Justice and others).
353. La criminalisation de l’homosexualité aurait par ailleurs un effet préjudiciable sur les efforts du Burundi dans sa lutte contre le SIDA. Les politiques de la santé publique concernant l’épidémie du VIH/SIDA démontrent clairement que la décriminalisation de l’homosexualité combinée avec des efforts visant à lutter contre la discrimination des 354. homosexuels, lesbiennes, bisexuels et transsexuels, représentent une mesure substantielle pour restreindre la propagation du virus. De plus, si le projet de code en question entre en vigueur, celui-ci aurait pour effet d’entraver l’accès à information, aux soins et aux traitements des personnes homosexuelles, atteintes de VIH/SIDA au Burundi, et par conséquent pourrait compromettre la réponse nationale dans la lutte contre le VIH/SIDA.
354. Ce projet de loi aurait enfin un effet néfaste sur la situation des défenseurs des droits de l’homme qui oeuvrent pour la promotion et la protection des droits des homosexuels, bisexuels et transsexuels. En effet, cette loi mettrait ces défenseurs dans une situation de vulnérabilité accrue car ils seraient potentiellement la cible d’attaques et d’actes d’intimidation de la part des autorités et de la population.
355. Ainsi, le projet de loi criminalisant l’homosexualité n’est pas conforme au droit international des droits de l’homme et aux obligations légales internationales du Burundi et il est demandé que les préoccupations exprimées dans la présente lettre soient portées à la connaissance du Sénat lors du prochain examen du projet de loi.
356. Il est enfin noté que lors de l’examen périodique universel du Burundi en date du 2 décembre 2008, le Gouvernement du Burundi a été interpelleé sur cette question de la criminalisation de l’homosexualité et qu’il a demandé à disposer de plus de temps pour y répondre convenablement.
Link to full text of the report: Summary of cases-SR Human Rights Defenders-2009-eng