Tunisie : Les autorités doivent mettre fin à la répression contre l’opposition politique et libérer les détenus

Les autorités tunisiennes doivent immédiatement libérer les opposants politiques, Noureddine el-Bhiri et Fathi Baldi, actuellement détenus, et mettre fin à l’abus des pouvoirs d’exception pour soumettre des membres de l’opposition politique à des arrestations arbitraires et à d’autres violations des droits humains, a déclaré la CIJ aujourd’hui.

Read this press release in English.

.هذا البيان متوفر باللغة العربية أيضاً

Le 31 décembre, des forces relevant du ministère de l’Intérieur ont arrêté, selon certaines sources, el-Bahiri,ancien Ministre de la Justice et actuel député, et Baldi, un ancien fonctionnaire tunisien, et les a détenus en détention secrète et non reconnue. Tous deux sont membres du parti d’opposition Ennahda.

« Ces arrestations, qui équivalent à un crime de disparition forcée et de détention arbitraire, constituent une atteinte flagrante à l’État de droit et aux droits humains », a déclaré Said Benarbia, Directeur du programme MENA de la CIJ.

D’après ses avocats, el-Bhiri a été détenu dans un lieu secret pendant trois jours avant d’être transféré à l’hôpital de Bizerte Nord alors que son état de santé s’était gravement détérioré. Des rapports suggèrent que M. Baldi a été détenu dans le même centre de détention secret, mais le témoignage de sa famille suggère qu’ils n’ont reçu aucune information quant à son sort et son lieu de détention.

Le lundi 3 janvier, à la suite du transfert de el-Bhiri à l’hôpital, le Ministre de l’Intérieur a déclaré que deux hommes non nommés avaient été détenus pour des motifs liés au terrorisme, y compris pour avoir prétendument aidé deux ressortissants syriens à acquérir la nationalité tunisienne entre 2011 et 2013. Alors que les personnes visées sont présumées être el-Bhiri et Baldi, les autorités compétentes n’ont pas encore fait de déclaration reconnaissant leur identité, le fondement spécifique de leur détention et leur lieu de leur détention.

« Le Président Saeid et ses services de sécurité recourent à des mesures scandaleuses pour étouffer l’opposition », a déclaré Said Benarbia, Directeur du programme MENA de la CIJ. « Ils ramènent la Tunisie à son histoire récente de disparitions forcées, de détentions secrètes et de recours abusifs aux mesures d’exception et de lutte contre le terrorisme. »

Plutôt que d’attendre que le procureur termine les enquêtes en cours sur les allégations contre el-Bhiri et Bladi, le Ministre de l’Intérieur a émis des ordonnances urgentes pour leur « assignation à résidence », en utilisant un Décret d’exception de 1978, sur la justification que cette action « préserverait la sécurité et l’ordre public ».

“L’assignation à résidence n’implique pas de détenir des personnes dans des centres de détention secrets et non officiels, en dehors de la protection de la loi, et sans aucun contrôle judiciaire”, a ajouté Benarbia. « Le gouvernement tunisien doit dire la vérité et révéler où les deux hommes ont été détenus et sous quelle autorité. »

La CIJ est préoccupée par le fait que les arrestations et la détention sont remplies de violations des droits humains en violation de la loi tunisienne et des obligations internationales de la Tunisie en matière de droits humains. Cela inclut notamment l’omission de reconnaître leur arrestation ou de révéler où ils se trouvent en détention ; le refus de l’accès à un avocat ; la détention sans inculpation formelle et le défaut de les traduire rapidement devant une autorité judiciaire.

Leur maintien en détention est illégal et le fait de ne pas révéler où se trouve M. Baldi constitue une disparition forcée continue, un crime au regard du droit international.

La CIJ a souligné que s’ils ne sont pas rapidement inculpés par les autorités compétentes d’une infraction pénale reconnue par la loi, ils doivent être immédiatement libérés.

« Depuis la prise de pouvoir du Président Saeid, les droits humains en Tunisie continuent d’échapper à tout contrôle et leur respect dégringole sans aucune fin en vue », a ajouté Benarbia. « Nous appelons la communauté internationale à l’exhorter à changer de cap et à rétablir d’urgence l’état de droit et l’ordre constitutionnel. »

Contexte

La démocratie tunisienne est en crise. Le 25 juillet 2021, invoquant l’article 80 de la Constitution sur les mesures exceptionnelles, le Président Kais Saied a limogé le gouvernement, s’est déclaré chef de l’exécutif et du ministère public, a suspendu la législature du pays (l’Assemblée des représentants du peuple, ARP), et a privé les membres de l’ARP de leurs immunités parlementaires.

Le décret présidentiel n° 117 du 22 septembre 2021 a suspendu l’essentiel de la Constitution et confié au Président les pleins pouvoirs exécutifs et législatifs, notamment celui de statuer par décret sur le fonctionnement du pouvoir judiciaire, les militaires, les forces de sécurité, les partis politiques, les syndicats et les associations, sans possibilité de recours juridictionnel et/ou constitutionnel.

Le 13 décembre 2021, le Président Saied a annoncé son intention de prolonger d’un an la suspension du Parlement et d’établir « une nouvelle Constitution » en 2022.

Contact

Saïd Benarbia, Directeur du programme MENA de la Commission Internationale de Juristes (CIJ) ; t: +41-22-979-3817; email: [email protected]

Asser Khattab, Responsable des communications du programme MENA de la Commission Internationale deJuristes (CIJ), email: [email protected]

Translate »