
Intervention orale sur la violation des droits de l’homme dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine
Intervention effectuée lors de la 59ème session de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies.
COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME DES NATIONS UNIES
59ème session, 17 Mars – 25 Avril 2003, 31 mars 2003
Depuis la dernière session de la Commission des droits de l’homme, malgré vos recommandations, notamment sur l’expansion et l’implantation de colonies dans les territoires occupés palestiniens et la cessation de toute violation du droit humanitaire, la situation dans les territoires occupés palestiniens demeure tragique. Les violations flagrantes des droits de l’homme et du droit humanitaire perdurent en toute impunité.

Intervention orale sur la violation des droits de l’Homme dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine
Intervention effectuée lors de la 59ème session de la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies.
COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME DES NATIONS UNIES
59ème session, 17 Mars – 25 Avril 2003, 31 mars 2003
Depuis la dernière session de la Commission des droits de l’Homme, malgré vos recommandations, notamment sur l’expansion et l’implantation de colonies dans les territoires occupés palestiniens et la cessation de toute violation du droit humanitaire, la situation dans les territoires occupés palestiniens demeure tragique. Les violations flagrantes des droits de l’Homme et du droit humanitaire perdurent en toute impunité.
La CIJ remercie le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’Homme sur la situation des droits de l’Homme dans les territoires palestiniens occupés pour son rapport et regrette qu’il n’ait pu s’y rendre. De même, la CIJ exprime son extrême préoccupation face au refus du gouvernement israélien d’envoyer une délégation devant le Comité des droits de l’Homme pour l’examen de son rapport périodique.
La CIJ souhaite attirer l’attention de la Commission des droits de l’Homme sur la persistance des violations des droits de l’Homme et du droit humanitaire mais ne retiendra dans cette intervention que les violations les plus inquiétantes.
La CIJ condamne fermement les attentats par des groupes armés palestiniens visant des civils israéliens. De tels actes sont clairement prohibés par le droit international. Les auteurs ou les commanditaires de ces infractions graves au droit humanitaire doivent faire l’objet de poursuites pénales. L’Etat d’Israël a le droit d’assurer sa sécurité mais cela ne saurait se faire au mépris de ses obligations internationales en matière de droits de l’Homme et de droit humanitaire. Des crimes de guerre ne peuvent être commis en réponse à d’autres crimes de guerre.
En premier lieu, la Commission internationale de juristes souligne que la 4ème Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre est applicable de jure aux territoires palestiniens et à tous les territoires arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem-Est. Ceci a été régulièrement affirmé par Commission des droits de l’Homme, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale des Nations Unies et tout dernièrement par la Conférence de Hautes Parties contractantes à la 4ème Convention de Genève. D’autre part, nous récusons l’interprétation du gouvernement israélien réitérée dans son rapport de décembre dernier au Comité des droits de l’Homme sur l’inapplicabilité du Pacte international sur les droits civils et politiques aux territoires occupés palestiniens. Compte tenu de la présence prolongée et du contrôle effectif d’Israël sur ces territoires, les dispositions du Pacte s’appliquent.
Au regard de ces instruments internationaux, les autorités israéliennes, et en particulier les forces armées, se rendent coupables des violations suivantes aux droits de l’Homme et au droit humanitaire. L’usage disproportionné de la force et le recours à des armes lourdes dans des zones civiles portent atteinte au principe fondamental de distinction entre combattants et civils. Le recours à la torture et aux traitements inhumains ou dégradants comme dénoncé par le Comité contre la torture perdure, au mépris de l’interdiction impérative de la torture.
Les détentions arbitraires, comme les mises au secret et certaines formes de détentions administratives portent atteintes aux articles 71 et suivants de la 4ème Convention de Genève, au Pacte sur les droits civils et politiques (article 9 et 14) tel qu’interprété par le Comité des droits de l’Homme dans son Commentaire général no 29. Les exécutions extrajudiciaires et la pratique des assassinats ciblés se multiplient. La CIJ est d’autant plus inquiète que la Cour suprême d’Israël a entériné cette pratique des forces de sécurité israéliennes dans une décision de janvier 2002.
Israël pratique une politique de bouclage des territoires occupés, de multiplication des points de contrôle et d’imposition excessive de couvre-feux prolongés au delà de ce qui est nécessaire au maintien de sa sécurité. Ces pratiques d’isolement total aboutissent à des restrictions inacceptables à la liberté de mouvement et à la négation des droits économiques, sociaux et culturels les plus élémentaires comme le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit au travail ou encore le droit à un niveau de vie suffisant, en plus des violations des dispositions 55 et 56 de la 4ème Convention de Genève. Cette situation ne peut qu’empirer avec l’édification d’un mur destiné à couper le territoire israélien des villes palestiniennes de Cisjordanie.
En contravention avec les Conventions de La Haye (articles 46 et 50 du Règlement de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre) et de Genève (articles 33, 49, 53 de la 4ème Convention de Genève), Israël frappe les populations civiles de peines collectives. Les destructions systématiques d’installations et d’infrastructures civiles ont atteint une dimension sans précédent. Il en va de même pour les destructions des maisons des familles d’auteurs présumés d’attentats-suicide. Les peines collectives prennent aussi la forme d’expulsions vers la bande de Gaza de proches d’auteurs présumés d’attentats-suicide. La décision de la Cour suprême israélienne du 3 septembre 2002 qui entérine là encore ces déportations suscite la plus vive inquiétude de la CIJ.
L’implantation de nouvelles colonies de peuplement ou l’expansion des colonies existantes, l’expropriation de terres et la construction de routes de contournement, constituent là encore des violations du droit international humanitaire (notamment l’article 55 du Règlement de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et de l’article 49 la 4ème Convention de Genève).
Enfin, la Commission internationale de juristes tient ici à saluer le courage des objecteurs de conscience israéliens qui refusent de servir dans les territoires occupés pour ne pas avoir à obéir à des ordres manifestement illégaux et ne pas avoir à participer à des violations du droit international humanitaire.
Madame la Présidente,
Alors que ceux qui refusent d’obéir à des ordres illégaux sont condamnés et emprisonnés, les auteurs de crimes de guerre et d’infractions graves aux Conventions de Genève bénéficient d’une impunité quasi-totale en Israël.
Aussi, la CIJ prie-t-elle instamment la Commission des droits de l’Homme
- de condamner ces violations du droit international humanitaire et des droits de l’Homme,
- d’appeler les parties au conflit à prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ces violations,
- de rappeler à Israël et à l’Autorité palestinienne qu’ils ont l’obligation de poursuivre les auteurs de crimes de guerre, y compris les infractions graves au droit international humanitaire et les crimes contre l’humanité,
- de mettre en place une présence internationale de surveillance des droits de l’Homme dans les territoires occupés palestiniens.
Je vous remercie, Madame la Présidente.

Cette guerre illicite doit être conduite de façon licite
La CIJ condamne l’invasion illicite de l’Irak en l’absence manifeste d’un mandat du Conseil de sécurité. Cette attaque constitue une nette régression dans l’application du droit international et en ébranle les fondements.
Maintenant que l’attaque armée a été lancée, il est impératif que les Etats prêtent attention à ne pas aggraver la situation par la commission d’autres actions illicites.
Toutes les parties au conflit sont dans l’obligation de respecter les prescriptions de droit humanitaire et les normes de droits de l’homme contenues dans les Conventions de Genève de 1949 et autres instruments internationaux pertinents et dans le droit international coutumier.
Le fait que l’Irak ait été illicitement envahi ne saurait en aucun cas le dédouaner du strict respect du droit international humanitaire et des normes de droits de l’homme.
Les Etats qui ne prennent pas part aux hostilités doivent respecter et bénéficier du droit de la neutralité. Ils ne doivent en particulier pas autoriser que leur territoire soit utilisé à des fins militaires et ne peuvent faire l’objet d’une attaque.
Les Etats belligérants sont dans l’obligation de traiter humainement toute personne en leur pouvoir. Les personnes qui se rendent ne peuvent être attaquées.
Toutes les parties au conflit doivent distinguer les objectifs militaires des populations et biens à caractère civils. Ces derniers ne peuvent être la cible d’une attaque.
La CIJ souhaite souligner que tous les Etats doivent scrupuleusement respecter les règles prohibant ou limitant l’usage de certaines armes. Aucune arme qui cause des souffrances excessivement cruelles ou frappant sans discrimination ne peut être utilisée, même à défaut d’une interdiction conventionnelle spécifique.
La CIJ est particulièrement préoccupée par les informations selon lesquelles certaines parties au conflit envisageraient d’utiliser des agents chimiques. Il est indispensable que les Etats parties à la Convention sur les armes chimiques aient une interprétation stricte de celle-ci.
Par ailleurs, le Protocole de Genève de 1925 et le droit coutumier interdisent de façon absolue le recours aux armes chimiques.
“Nous espérons que ces règles ne seront pas traitées par les Etats participant au conflit aussi cavalièrement qu’ils ont traité la Charte des Nations Unies”, a noté Louise Doswald-Beck, Secrétaire Générale de la CIJ.
La CIJ rappelle l’interdiction absolue de commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. La commission de tels crimes entraîne la responsabilité pénale de leurs auteurs, qu’ils soient chefs d’Etat ou simple soldat.
Tous les Etats sont dans l’obligation de s’assurer que les personnes soupçonnées de tels crimes sont poursuivies. Enfin, les Etats parties au Statut de Rome sur la Cour pénale internationale doivent poursuivent les auteurs de ces infractions ou, à défaut, les remettre à la Cour pénale internationale.

This illegal war must be conducted lawfully
The ICJ condemns the illegal invasion of Iraq in the clear absence of Security Council authority – this constitutes a great leap backward in the international rule of law.

La CIJ déplore l’annonce d’une guerre d’agression contre l’Irak
La CIJ exprime aujourd’hui sa profonde consternation alors qu’un nombre restreint d’Etats se tiennent prêts à lancer une invasion de l’Irak qui, au regard du droit international, est illicite et constituerait une guerre d’agression.
Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Espagne ont notifié leur intention de recourir à la force, et ce, même sans résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il n’y a aucune autre base juridique possible à une telle intervention.
En l’absence d’une autorisation du Conseil de sécurité, aucun Etat ne saurait recourir à la force contre un autre Etat, sauf en cas de légitime-défense, en réponse à une attaque armée.
« Cette interdiction du recours à la force a été consacrée dans la Charte des Nations Unies en 1945 pour une bonne raison : empêcher les Etats de recourir à la force selon leur bon vouloir », a rappelé Louise Doswald-Beck, Secrétaire-générale de la CIJ.
Une guerre sans un mandat du Conseil de sécurité constituerait une violation flagrante et caractérisée de l’interdiction du recours à la force. La résolution 1441 du Conseil de sécurité n’autorise pas le recours à la force.
Lors de son adoption, la Chine, la France et la Russie, trois membres permanents du Conseil de sécurité, ont fait une déclaration interprétative soulignant que la résolution exclut tout recours automatique à la force.
Il demeure que 9 membres du Conseil de sécurité, dont les 5 membres permanents, doivent approuver le recours à la force, ce qui n’est définitivement pas le cas l’espèce.
Selon Ian Seiderman, Conseiller juridique à la CIJ : « le régime actuel en Irak s’est sans aucun doute rendu coupable de violations massives et systématiques des droits de l’homme.
Cependant, cette situation accablante des droits de l’homme ne constitue pas en elle-même une base juridique justifiant un recours à la guerre.
Il existe des mécanismes appropriés pour répondre à ces violations massives et systématiques : leur qualification comme crimes internationaux et le recours aux mécanismes de mise en œuvre de la responsabilité pénale tels que la Cour pénale internationale ».
Le pouvoir du Conseil de sécurité d’autoriser le recours à la force n’est pas illimitée. Le Conseil ne peut autoriser un tel recours que dans le but de maintenir la paix et la sécurité internationales.
Selon l’interprétation correcte des Etats actuellement opposés au recours à la force, la qualification d’une situation comme menace à la paix et à la sécurité internationales doit être fondée sur des critères objectifs suffisants.
Or, les preuves avancées par les Etats poussant à la guerre ne sont pas convaincantes.
Par conséquent, la Commission internationale de juristes prie instamment les gouvernements des Etats-Unis, du Royaume-Uni, d’Espagne et autres, même à ce stade tardif, de reconsidérer leurs choix politiques et de renoncer au recours illégal à la force contre l’Irak.