Turquie : la levée de l’état d’urgence est un bon début, il faut maintenant rétablir l’état de droit

Turquie : la levée de l’état d’urgence est un bon début, il faut maintenant rétablir l’état de droit

La CIJ a salué aujourd’hui la levée de l’état d’urgence en vigueur en Turquie depuis presque deux ans, qui devrait être effective à partir de minuit. La CIJ a toutefois ajouté que les autorités devaient désormais instaurer une série de mesures visant à rétablir l’état de droit dans le pays.

La prise de position de la CIJ coïncide avec la publication de son rapport Justice Suspended – Access to Justice and State of Emergency in Turkey (disponible en anglais seulement) qui décrit comment les mesures prises en vertu de l’état d’urgence, notamment la révocation massive de magistrats et les arrestations et poursuites arbitraires d’avocats et de défenseurs des droits de l’Homme, ont érodé les institutions et les mécanismes judiciaires du pays.

Le rapport préconise, entre autres, l’abrogation de ces mesures, le rétablissement de l’indépendance du système judiciaire et la réforme des lois antiterroristes du pays.

“Avec la fin de l’état d’urgence, nous appelons au retrait immédiat des notifications de dérogations à la Convention européenne des droits de l’homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,” a déclaré Massimo Frigo, conseiller juridique principal pour le programme Europe et Asie centrale de la CIJ.

“Nous sommes préoccupés par le fait que la plupart de ces mesures d’exception restent ancrées dans la loi turque, avec des des conséquences pernicieuses à long terme sur la jouissance des droits de l’Homme élémentaires et les bases de l’Etat de droit dans le pays,” a-t-il ajouté.

Égypte : l’élection présidentielle est prévue dans un contexte ni libre ni équitable

Égypte : l’élection présidentielle est prévue dans un contexte ni libre ni équitable

Le gouvernement égyptien a piétiné les conditions minimales pour que des élections libres et équitables aient lieu les 26-28 mars 2018 lors du vote pour la présidence, ont annoncé aujourd’hui la CIJ et treize organisations internationales et régionales de défense des droits humains.

Le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sissi ne cesse d’étouffer les libertés fondamentales. Il a également arrêté des candidats potentiels et effectué des rafles parmi leurs partisans.

« Les alliés de l’Egypte devraient aujourd’hui dénoncer publiquement la mascarade que sont ces élections, plutôt que de continuer à offrir un soutien inconditionnel à un gouvernement présidant à la pire crise des droits humains que le pays ait connue depuis des décennies », ont déclaré les organisations.

Les États-Unis, l’Union européenne et les États européens, qui fournissent une aide financière substantielle au gouvernement égyptien, devraient systématiquement intégrer les droits humains dans leurs relations avec l’Égypte.

Ces pays devraient mettre fin à toute assistance en matière de sécurité pouvant être utilisée dans le cadre de la répression interne, et axer leurs efforts sur l’amélioration concrète des droits fondamentaux.

La répression en amont de l’élection présidentielle égyptienne est une escalade substantielle dans un environnement politique qui nie le droit des individus à la participation politique et à la liberté d’expression, d’association, et de rassemblement pacifique.

Les autorités égyptiennes devraient immédiatement libérer toutes les personnes arrêtées pour avoir participé à des campagnes politiques ou avoir déclaré leur intention de se présenter aux élections présidentielles, appellent les organisations.

Les autorités ont successivement éliminé les principaux concurrents ayant annoncé leur intention de se présenter à la présidentielle. Ils ont ainsi arrêté deux candidats potentiels, le général à la retraite Sami Anan et le colonel Ahmed Konsowa.

Un troisième candidat potentiel, Ahmed Shafiq, ancien Premier ministre et commandant de l’armée de l’air, aurait été placé en résidence surveillée non déclarée dans un hôtel jusqu’à ce qu’il se retire de la course.

Deux autres candidats potentiels, l’avocat des droits humains Khaled Ali ainsi qu’un ancien membre du parlement, Mohamed Anwar al-Sadat, ont fait marche arrière mettant en cause l’environnement répressif, la sécurité de leurs partisans et les manipulations gouvernementales.

Le seul candidat actuel contre le président al-Sissi est Moussa Mostafa Moussa, le chef du parti Al-Ghad, qui soutient le gouvernement. Il a enregistré sa candidature le 29 janvier, dernier jour possible, après des efforts des députés pro-gouvernementaux pour le convaincre de se présenter.

Jusqu’à la veille de sa candidature, il était membre d’une campagne soutenant al-Sissi pour un second mandat. Dans ce contexte, le droit de tout citoyen à se présenter librement et à voter lors d’élections traduisant la libre expression de la volonté des électeurs, semble dénué de sens.
Ces actions gouvernementales contreviennent à la Constitution égyptienne et constituent une violation manifeste de ses obligations et engagements internationaux, notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et de la Déclaration de 2002 de l’Union africaine sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique.

L’article 25 du PIDCP et l’article III de la Déclaration de l’Union africaine lient la participation politique, en tant qu’électeur et candidat, aux libertés de réunion, d’expression et d’association.

Un manuel de l’Union européenne pour les observations électorales, détaillant les normes pour des élections équitables, rappelle que ce sont des droits « sans lesquels [les élections] ne peuvent pas être exercées de manière significative ».

L’actuel climat de représailles contre les voix dissidentes et la répression croissante à l’encontre des défenseurs des droits humains et des organisations indépendantes de défense des droits ont rendu extrêmement difficile l’observation efficace des élections par des organisations nationales et étrangères.

Les médias ont indiqué que le nombre d’organisations ayant obtenu l’autorisation de surveiller les élections était inférieur de 44% à celui de la dernière élection présidentielle en 2014. Le nombre de demandes a en général également diminué.

Plusieurs partis d’opposition ont appelé au boycott des élections. Un jour plus tard, le Président al-Sissi a menacé d’utiliser la force, y compris l’armée, contre ceux qui minent la « stabilité et la sécurité égyptiennes ».

Le 6 février, le parquet général a ordonné une enquête visant 13 des principaux dirigeants de l’opposition, les accusant d’appeler à « renverser le régime au pouvoir ».

« Sept ans après le soulèvement de 2011 en Egypte, le gouvernement se moque des droits fondamentaux pour lesquels les manifestants se sont battus, » ont déclaré les organisations.

Et d’ajouter: « Le gouvernement égyptien prétend être dans une “transition démocratique” mais s’en éloigne à chaque élection. »

Contact

Said Benarbia (anglais, français, arabe) : t: + 41-22-979-3817 ; ou e: said.benarbia(a)icj.org

Organisations signataires :

Cairo Institute for Human Rights Studies

CIVICUS “World Alliance for Citizen Participation”

CNCD-11.11.11

Commission internationale de juristes

EuroMed Droits

Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH)

Human Rights First

Human Rights Watch

International Service for Human Rights

Organisation mondiale contre la torture (OMCT)

Project on Middle East Democracy

Reporters sans frontières (RSF)

Robert F. Kennedy Human Rights

Solidar

Egypte-Election présidentielle dans un contexte ni libre ni équitable-Communiqué de presse-2018-FRA (Communiqué de presse complet en PDF)

Tchad: la condamnation de Hissène Habré confirmée

Tchad: la condamnation de Hissène Habré confirmée

Pour la CIJ et deux autres groupes de défense des droits humains, la confirmation en appel de la condamnation de l’ancien président tchadien pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture est la conclusion d’une longue campagne menée par les survivants du régime.

La condamnation de Habré en mai 2016 a été confirmée par la Cour d’appel des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises le 27 avril 2017.

La Cour a également réaffirmé la sentence de perpétuité prononcée par la Chambre d’assises et a ordonné le paiement de 82 milliards de francs CFA (environ 123 millions d’euros) par Habré aux victimes.

« C’est une consécration pour les victimes de Hissène Habré qui, en 26 ans de lutte, n’ont jamais cessé de se battre pour le faire traduire en justice » a déclaré Reed Brody, avocat américain et membre la Commission internationale des juristes, qui travaille aux côtés des survivants depuis 1999.

« Cette condamnation définitive envoie un signal fort aux tyrans, à travers le monde, leur rappelant que s’ils commettent des atrocités, ils ne seront jamais hors de portée de leurs victimes, » a-t-il ajouté.

La Chambre d’appel a également confirmé la décision ordonnant de payer des réparations aux victimes et a précisé que l’argent devait être distribué via un Fonds créé par l’Union africaine (UA) qui sera chargé de chercher et recouvrer les avoirs de Habré.

Un résumé de la décision a été lu en audience par le Président de la Cour, Ouagadeye Wafi, un juge de la Cour suprême du Mali. La Cour était composée de Wafi et de deux juges sénégalais.

Habré, qui a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, n’était pas présent lorsque le jugement a été rendu.

Habré n’a jamais reconnu l’autorité des Chambres et est resté silencieux tout au long du procès. Ses avocats commis d’office ont interjeté appel en son nom.

Habré a fui au Sénégal en 1990, après qu’il ait été renversé par l’actuel président du Tchad Idriss Déby Itno.

Bien qu’il ait été arrêté et inculpé une première fois au Sénégal en 2000, une campagne de longue haleine a dû être menée par ses victimes avant que les Chambres africaines extraordinaires ne soient inaugurées par le Sénégal et l’UA en février 2013, pour juger des crimes internationaux commis au Tchad sous le régime de Hissène Habré.

« Depuis que je suis sorti de prison, il y a plus de 26 ans, je me suis battu pour que justice soit faite, » a déclaré Souleymane Guengueng, qui faillit mourir de mauvais traitements et de maladie dans les geôles de Habré, et qui a fondé l’Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré (AVCRHH). « Aujourd’hui, je me sens enfin libre. »

C’est la première fois que les tribunaux d’un État jugent l’ancien dirigeant d’un autre État pour des violations des droits humains.

La Chambre d’appel a jugé que bien qu’elle considérait crédible Khadidja Hassan Zidane, qui a déclaré que Habré l’avait violée à quatre occasions, elle ne pouvait pas condamner Habré d’avoir commis des viols car cette inculpation ne figurait pas dans l’acte d’accusation.

« Après 26 ans d’obstination, et presqu’autant d’années de procédure judiciaire, notre combat a enfin abouti, » a déclaré Jacqueline Moudeina, avocate principale des victimes et présidente de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH).

Des réparations octroyées aux victimes

Dans la décision rendue aujourd’hui, la Cour d’appel a confirmé la décision de la Chambre d’assises accordant à chaque survivante de viol et d’esclavage sexuel 20 million de francs CFA (environ 30 490 euros / 32 702 US dollars), à chaque survivant de tortures et de détention arbitraire ainsi qu’aux anciens prisonniers de guerre 15 millions de francs CFA (22 867 euros / 24 526 US dollars) et 10 millions aux victimes indirectes (15 244 euros / 16 350 US dollars).

La Cour a déclaré que 7 396 victimes étaient éligibles à recevoir des réparations et que les 3 489, qui n’ont pas fourni de documentation suffisante, pourraient s’adresser au Fonds créé par l’UA.

La Cour a déjà gelé certains avoirs de Habré, dont une maison dans les quartiers huppés de Dakar estimée à environ 680 000 euros ainsi que des petites sommes sur plusieurs comptes en banque.

Il est probable que Habré possède davantage d’actifs.

« L’argent ne me rendra jamais mes amis, » a déclaré Clément Abaïfouta, ancien prisonnier qui était forcé d’enterrer les corps de détenus dans des fosses communes et actuellement président de l’association des victimes. « Mais l’argent est important pour guérir les blessures, pour sortir les victimes de la pauvreté, et montrer que nous avons des droits qui doivent être reconnus. »

« Grâce à ce verdict, nous pouvons maintenant essayer de localiser et de saisir les avoirs de Habré et s’assurer que les victimes reçoivent bien réparation de leur préjudice, » a déclaré Me Moudeina.

Contact

Reed Brody, Commissaire de la CIJ, t: +1-917-388-6745 ; e: reedbrody(a)gmail.com

Tchad-Hissene Habre peine confirmee-News-Press Releases-2017-FRE (texte intégral, en PDF)

Maroc: les projets de loi sur le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et sur le Statut des magistrats comportent des défauts et doivent être révisés

Maroc: les projets de loi sur le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et sur le Statut des magistrats comportent des défauts et doivent être révisés

La CIJ a invité aujourd’hui les autorités marocaines à modifier les projets de loi sur le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et sur le Statut des magistrats, afin d’assurer leur pleine conformité avec les normes et standards du droit international sur l’indépendance judiciaire.

La CIJ a invité les autorités à assurer que : le CSPJ soit indépendant aux niveaux institutionnel et organisationnel, ait une compétence exclusive quant à la gestion de la carrière des magistrats, notamment en ce qui concerne la sélection des juges stagiaires, soit impliqué dans la détermination du budget de la magistrature, et habilité à administrer l’allocation des ressources judiciaires.

Ce communiqué fait suite à la conclusion d’une mission de haut niveau qui s’est déroulée au Maroc entre le 12 et le 18 juin 2015 visant à rencontrer des membres des branches du pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, ainsi que des représentants de la société civile, afin de s’entretenir sur les réformes judiciaires entreprises par les autorités marocaines.

Durant cette mission, la CIJ a soumis aux autorités deux mémorandums analysant les projets de loi à la lumière des normes du droit international et formulant des recommandations pour des modifications et des réformes.

Contact:

Theo Boutruche, Conseillé juridique du programme de la CIJ pour le Moyen Orient et l’Afrique du nord, t: +96 170 888 961, e: theo.boutruche(a)icj.org

Information supplémentaire:

La délégation de la CIJ était dirigée par M. Philippe Texier, ancien juge à la Cour de cassation française et commissaire de la CIJ.

La délégation a rencontré M. Driss Dahak, Secrétaire général du gouvernement ; M. Abdelilah Lahkim Bennani, Secrétaire général du ministère de la Justice et des Libertés ; M. Mustapha Farès, Premier Président de la Cour de cassation ; M. Mustapha Meddah, Procureur général de la Cour de cassation ; M. Mohamed Cheikh Biadillah, Président de la Chambre des Conseillers ; M. Omar Adkhil, Président de la Commission de justice, législation et droits de l’homme de la Chambre des Conseillers ; M. Mohamed Zerdali, Président de la Commission de justice, législation et droits de l’homme de la Chambre des Représentants ; M. Abdellatif Chentof, Président du Club des magistrats du Maroc ; M. Mohamed Khadraoui, vice-Président de l’Amicale Hassania des magistrats ; et M. Mohamed Akdim, Président de l’Association des barreaux du Maroc (ABAM).

 

Morocco-Draft Law CSPJ-News-press releases-2015-FRE (Communiqué de presse complet en PDF)

 

Morocco-Memo on the CSPJ-Advocacy-Briefing paper-2015-FRE (Texte complet en PDF)

 

Morocco-Memo on Statute for Judges-Advocacy-Briefing paper-2015-FRE (Texte 2 complet en PDF)

Tunisie: la loi sur le Conseil de la Magistrature déclarée inconstitutionnelle, une révision significative est maintenant requise

Tunisie: la loi sur le Conseil de la Magistrature déclarée inconstitutionnelle, une révision significative est maintenant requise

La CIJ s’est félicitée aujourd’hui de la décision d’une commission constitutionnelle tunisienne déclarant la nouvelle loi sur le Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) inconstitutionnelle.

La CIJ a appelé en outre les autorités à saisir cette opportunité pour amender cette loi, la Loi Organique No. 16/2015 sur le CSM, afin de la mettre en pleine conformité avec les standards internationaux sur l’indépendance judiciaire.

Contact:

Theo Boutruche, Conseillé juridique à la CIJ pour le Moyen Orient et l’Afrique du Nord, tel: +96 170 888 961, e-mail: theo.boutruche(a)icj.org

Tunisia-Constitutionality of HJC law-News-Pressreleases 2015-FRE (Communiqué de presse complet en PDF)

Tunisie: modifier ou supprimer le projet de loi sur la sécurité

Tunisie: modifier ou supprimer le projet de loi sur la sécurité

Les dispositions sur le secret d’Etat et le “dénigrement” des forces de sécurité portent atteinte à la liberté d’expression, selon la CIJ et 12 autres organisations de défense des droits de l’Homme.

La CIJ a rejoint aujourd’hui 12 organisations internationales appelant les autorités tunisiennes à modifier un nouveau projet de loi controversé incompatible avec les normes internationales, notamment des dispositions qui pourraient criminaliser la conduite des journalistes, des lanceurs d’alerte, des défenseurs des droits de l’Homme et toutes autres critiques de la police.

Ce projet de loi pourrait autoriser les forces de sécurité à utiliser la force meurtrière quand il n’est pas strictement nécessaire de protéger la vie.

Tunisia-Security Bill joint statement -News-Press releases-2015-FRE (Communiqué de presse complet en PDF)

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