Sep 28, 2018 | Plaidoyer
La CIJ s’est jointe à d’autres organisations de la société civile pour interpeller le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur les succès et les échecs de sa 39e session qui s’est achevée aujourd’hui.
La déclaration, lue par l’International Service for Human Rights (ISHR), était la suivante:
«Lors de cette session, le Conseil a adopté des résolutions historiques sur plusieurs pays, renforçant ainsi sa contribution à la protection des droits de l’Homme.
En ce qui concerne le Myanmar, nous nous félicitons de la création d’un mécanisme d’enquête indépendant, qui constitue une étape importante dans la responsabilité à l’égard des crimes horribles commis au Myanmar, comme détaillé dans le rapport de la Mission d’enquête (FFM) présenté lors de cette session. L’appui massif à la résolution, malgré le blocage honteux du consensus par la Chine, était un message clair aux victimes et aux survivants que la communauté internationale les soutient dans leur combat pour la justice.
En ce qui concerne le Yémen, le Conseil a démontré qu’une action fondée sur des principes est possible, et a envoyé un message fort aux victimes de violations des droits de l’Homme au Yémen affirmant que l’obligation de rendre des comptes est une priorité pour la communauté internationale, en votant en faveur du renouvellement du mandat du Groupe d’éminents experts pour poursuivre les enquêtes internationales sur les violations commises par toutes les parties prenantes au conflit.
En outre, nous nous félicitons du rôle moteur joué par un groupe d’États dans le cadre de la résolution historique sur le Venezuela, que nous considérons comme une étape importante pour le Conseil qui applique des critères objectifs pour faire face aux situations de pays qui méritent son attention. La résolution, adoptée avec le soutien de toutes les régions des Nations unies, envoie un message fort de soutien au peuple vénézuélien. En ouvrant un espace de dialogue au Conseil, la résolution examine de près la crise tragique des droits de l’Homme et de la crise humanitaire dans le pays.
Bien que nous nous félicitons du renouvellement du mandat de la Commission d’enquête sur le Burundi, qui vise à poursuivre son enquête critique et à œuvrer en faveur de la responsabilité, nous regrettons toutefois que le Conseil n’ait pas réagi plus fermement au passif du Burundi en matière de non-coopération et d’attaques contre le système des droits de l’Homme de l’ONU.
Nous nous félicitons également de l’adoption par le Conseil de la résolution sur la Syrie, qui condamne notamment toutes les violations et abus du droit international des droits de l’Homme et toutes les violations du droit international humanitaire commises par toutes les parties au conflit.
Toutefois, dans les situations d’autres pays, notamment en Chine, au Soudan, au Cambodge et aux Philippines, le Conseil n’a pas pris de mesures appropriées.
En ce qui concerne le Soudan, nous sommes profondément préoccupés par la faible résolution qui envisage de mettre fin au mandat de l’expert indépendant une fois qu’un office du HCDH sera créé. Le Soudan a déjà indiqué qu’il ne se sentait pas lié par un tel «accord», ce qui constitue une abdication de la responsabilité du Conseil envers les victimes des droits de l’Homme au Soudan alors que de graves violations sont en cours. Au minimum, les États devraient veiller à ce que l’office prévu surveille et rende compte publiquement de la situation des droits de l’Homme au Soudan et que la Haut-Commissaire soit chargée de faire rapport au Conseil sur les conclusions du Bureau.
Nous regrettons également l’absence d’action concertée du Conseil sur les Philippines, malgré la nécessité de mettre en place des enquêtes nationales et internationales indépendantes sur les exécutions extrajudiciaires commises dans le cadre de la «guerre contre la drogue» du gouvernement, ainsi que de surveiller et de réagir à la tendance du gouvernement à l’autoritarisme.
En outre, nous regrettons la faible réponse du Conseil à la crise profonde des droits de l’Homme et de l’état de droit au Cambodge, n’ayant pas modifié son approche même face aux constatations claires du Rapporteur spécial démontrant que l’accent était mis exclusivement sur l’assistance technique et le renforcement des capacités dans ce pays est en train d’échouer.
Nous partageons les préoccupations que plusieurs ont exprimées au cours de la session, y compris la Haut-Commissaire, concernant la situation propre de la Chine en matière de droits de l’Homme, soulignant en particulier les graves violations des droits des Ouïghours et d’autres minorités à prédominance musulmane dans la province du Xinjiang. Il est regrettable que les États n’aient pas lancé un appel collectif concret pour que la Chine mettre fin à l’internement de personnes appartenant à ces communautés, estimées jusqu’à 1 million.
En ce qui concerne les résolutions thématiques, nous nous félicitons de l’adoption de la résolution sur la participation égale des femmes aux affaires politiques et publiques, mais nous aurions préféré une plus grande approbation et mise en œuvre des Directives.
La résolution sur la sécurité des journalistes, adoptée par consensus, établit une feuille de route claire d’actions concrètes visant à mettre un terme à l’impunité des agresseurs. Le journalisme n’est pas un crime. Pourtant, trop d’États dans cette salle ne font qu’emprisonner ceux qui les critiquent. Cela doit prendre fin en commençant par la mise en œuvre de cette résolution.
Nous nous félicitons de l’adoption par consensus de la résolution sur la la mortalité et morbidité maternelle évitable et les droits de l’Homme dans les contextes humanitaires. Les femmes et les filles touchées par un conflit se sont vu refuser des comptes pendant trop longtemps. La mise en œuvre de cette résolution fera en sorte que leurs droits, y compris leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive, soient respectés, protégés et réalisés.
Enfin, le premier dialogue interactif du Conseil sur les représailles était une étape importante pour garantir une responsabilité sur cette pratique honteuse, et nous exhortons davantage d’États à avoir le courage et la conviction de s’engager pour les défenseurs et d’interpeller les pays qui les attaquent et les intimident”.
Signataires:
1. The African Centre for Democracy and Human Rights Studies (ACDHRS)
2. Amnesty International
3. Article 19
4. Center for Reproductive Rights
5. CIVICUS
6. DefendDefenders
7. FIDH
8. Forum Asia
9. Human Rights House Foundation (HRHF)
10. Human Rights Watch
11. Commission Internationale de Juristes
12. International Service for Human Rights (ISHR)
Sep 27, 2018 | Nouvelles
La décision prise aujourd’hui par le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies de créer un “mécanisme indépendant” pour recueillir des preuves de crimes au Myanmar constitue un pas important vers la responsabilité pour les violations flagrantes des droits de l’Homme, a déclaré la CIJ.
«La création de ce mécanisme de collecte de preuves est une étape concrète bienvenue vers la justice», a déclaré Matt Pollard, conseiller juridique principal de la CIJ.
«Mais il s’agit d’une mesure bouche-trou visant à créer un procureur sans tribunal, ce qui ne fait que souligner la nécessité urgente pour le Conseil de sécurité de référer l’ensemble de la situation devant la Cour pénale internationale, qui a été créée précisément pour de telles circonstances», at-il ajouté.
La décision du Conseil fait suite aux conclusions et recommandations de la Mission d’enquête internationale indépendante sur le Myanmar (FFM).
Le rapport complet de 444 pages de la Mission d’enquête a décrit de graves violations de l’Homme perpétrées à grande échelle des droits contre des groupes minoritaires dans le pays, en particulier dans les États de Rakhine, Kachin et Shan.
Il a également souligné la nécessité d’enquêtes et poursuites pénales pour des crimes sous le droit international, ce à quoi la Mission d’enquête a conclu que les tribunaux nationaux et les commissions du Myanmar ne pouvaient pas y répondre.
«Les institutions judiciaires nationales du Myanmar manquent d’indépendance, de capacités et souvent aussi de volonté de demander des comptes aux auteurs d’atteintes aux droits de l’Homme, en particulier lorsque des membres des forces de sécurité sont impliquées. La dernière enquête établie par le gouvernement dans l’État de Rakhine semble également conçue pour dissuader et retarder la justice », a déclaré Pollard.
La résolution du Conseil des droits de l’Homme n’a pas créé de nouvelle cour ou tribunal international.
Les preuves détenues par le mécanisme indépendant pourraient être communiquées à des procédures internationales ou nationales, que ce soit devant la Cour pénale internationale (CPI) ou un autre tribunal international ad hoc, ou aux procureurs nationaux faisant valoir leur compétence pour les crimes relevant de la compétence universelle ou pour d’autres motifs.
Bien qu’il n’y ait aucune perspective réaliste de poursuites nationales efficaces au Myanmar dans un proche avenir, le mécanisme pourrait également fournir des preuves à l’avenir si les institutions nationales devenaient finalement suffisamment impartiales, indépendantes, compétentes et capables de le faire.
Un examen préliminaire de la situation des Rohingyas, mené par la CPI, peut également donner lieu à des poursuites pénales mais sera probablement limité aux crimes qui se sont déroulés en partie au Bangladesh, tels que le crime contre l’humanité en matière d’expulsion.
Le Bangladesh est un État partie au Statut de Rome de la CPI, contrairement au Myanmar.
Le Conseil de sécurité est également habilité à référer la totalité de la situation devant la Cour pénale internationale.
«Le gouvernement du Myanmar devrait cesser de nier la vérité et collaborer avec la communauté internationale, en particulier les Nations unies, afin d’améliorer les conditions de vie dans lesquelles se trouvent les Rohingya et les autres minorités ethniques, dont les droits ont été violés de manière aussi brutale par les forces de sécurité, comme documenté par la Mission d’enquête », a déclaré Pollard.
«Les partenaires internationaux du Myanmar, y compris des voisins tels que l’Inde et la Chine, et des membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), devraient exercer leur influence pour faire en sorte que le Myanmar s’attaque à cette grave menace à la stabilité du pays et de la région en veillant au respect, la protection et la mise en oeuvre de l’ensemble des droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux des minorités concernées », a-t-il ajouté.
La résolution du Conseil contient plusieurs autres recommandations de fond, notamment un appel au gouvernement du Myanmar à réviser la loi de 1982 sur la citoyenneté et une recommandation aux Nations unies d’ouvrir une enquête sur son implication au Myanmar depuis 2011.
Contact:
Matt Pollard, conseiller juridique principal à la CIJ (Genève), e: [email protected], +41 79 246 54 75.
Frederick Rawski, directeur régional Asie-Pacifique de la CIJ (Bangkok), e: [email protected]
Sep 3, 2018 | Communiqués de presse, Nouvelles
La décision du Tribunal de District de Yangon de condamner aujourd’hui les journalistes de Reuters, Wa Lone et Kyaw Soe Oo, à sept ans d’emprisonnement pour violation de la loi sur les secrets officiels porte gravement atteinte aux droits de l’Homme et à l’état de droit au Myanmar.
“La décision de la Cour punit dans les faits ces deux journalistes courageux pour avoir dénoncé des violations des droits de l’Homme, à la suite d’un procès manifestement inéquitable”, a déclaré Frederick Rawski, directeur de la CIJ pour l’Asie-Pacifique.
“La décision est une erreur judiciaire qui leur inflige des souffrances inutiles ainsi qu’à leurs familles, menace la liberté d’expression, porte atteinte à la réputation mondiale du Myanmar et sape ses institutions judiciaires en même temps”, a-t-il ajouté.
La CIJ a suivi l’affaire depuis la détention initiale des journalistes en décembre 2017.
Comme indiqué précédemment par la CIJ, la détention et le procès ont violé de nombreuses garanties fondamentales relatives à l’équité des procès.
Les procureurs avaient le devoir d’abandonner les accusations et le juge aurait dû rejeter l’affaire en raison de l’absence de preuves et de l’illégalité de la détention en raison de violations du droit à un procès équitable.
“L’affaire est emblématique de la manière dont le système judiciaire finit par renforcer l’impunité des militaires plutôt que de la remettre en cause”, a déclaré M. Rawski.
“Le résultat sape les affirmations du gouvernement selon lesquelles il peut rendre des comptes par lui-même sur les violations des droits de l’Homme, et ne fait rien pour que le système judiciaire agisse de manière indépendante et impartiale après des décennies de régime militaire”.
Les membres des forces de sécurité jouissent généralement de l’impunité pour la perpétration de violations des droits de l’Homme, notamment pour des crimes en droit international.
La CIJ a déjà rapporté que les victimes et leurs familles, ainsi que les journalistes, font souvent l’objet de représailles pour avoir diffusé des informations sur les violations des droits de l’Homme commises par l’armée.
Wa Lone et Kyaw Soe Oo ont été arrêtés en décembre 2017 et détenus au secret pendant près de deux semaines avant d’être accusés, en vertu de la loi sur les secrets officiels datant de l’époque coloniale, pour avoir prétendument été en possession de documents liés aux opérations des forces de sécurité dans le nord de l’État de Rakhine, lors “d’opérations de nettoyage”.
Les deux reporters avaient dénoncé des violations des droits de l’Homme dans l’État de Rakhine, notamment l’assassinat de Rohingyas par l’armée dans le village d’Inn Dinn.
Dans un rapport publié la semaine dernière (uniquement disponible en anglais), la mission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies a constaté que les forces de sécurité avaient commis des crimes en droit international au cours de ces opérations, notamment des crimes contre l’humanité et peut-être un crime de génocide.
La détention et la mise en accusation de quiconque, y compris de journalistes, se basant uniquement sur la collecte et la publication de preuves pertinentes en matière de violations graves des droits de l’Homme constituent une violation du droit international et des normes relatives à la liberté d’expression, au droit de participer à la conduite des affaires publiques et au rôle des défenseurs des droits de l’Homme.
Les options légales disponibles pour les journalistes incluent de requérir à la décision d’aujourd’hui et demander une grâce présidentielle.