Aug 27, 2004 | Communiqués de presse, Nouvelles
La communauté internationale de juristes et experts en droits de l’Homme doit se mobiliser maintenant plus que jamais afin d’endosser un rôle de leader et montrer comment l’état de droit et les droits de l’Homme peuvent et doivent être respectés dans la lutte contre le terrorisme.
Propos tenus aujourd’hui par Nicholas Howen, Secrétaire Général de la Commission internationale de juristes, à Berlin.
Dans son discours introductif à la Conférence biennale de la CIJ sur la lutte contre le terrorisme et les droits de l’Homme, M. Howen a constaté que « la guerre contre le terrorisme » défie nos principes les plus élémentaires sur l’état de droit et les droits de l’Homme.
« Nous pensions que nous n’aurions plus jamais à répondre à la question de savoir si un traitement inhumain peut être infligé à quelqu’un qui a commis des actes barbares. Au lieu de cela, nous sommes témoins de la nouvelle tentative des gouvernements de justifier la torture au nom de la sécurité nationale, de la détention d’individus dans des trous noirs juridiques et de la limitation du droit à un procès équitable » a-t-il ajouté.
« Les gouvernements ont-ils déclarés un état d’urgence global? Si c’est le cas, rappelons qu’un état d’urgence doit être un prolongement de l’état de droit, pas son abrogation », a déclaré M. Howen.
La conférence réunit plus de 150 experts juridiques et en droits de l’Homme du monde entier, pour agir sur les mesures anti-terroristes qui violent les droits de l’Homme.
De nombreux pays ont souffert des cycles de terrorisme et de contre-terrorisme excessif, et pendant des décennies les juristes et défenseurs des droits de l’Homme se sont battus pour défendre l’état de droit. La CIJ a depuis ses débuts travaillé sur ces pays, mais aujourd’hui la menace sur l’état de droit est plus grande, plus globale et risque de s’enraciner davantage.
« Depuis 52 ans, la CIJ a joué un rôle clé dans la définition et dans la promotion de l’état de droit. Aujourd’hui le rôle de la CIJ est toujours aussi crucial: l’état de droit est la dernière défense contre le pouvoir arbitraire ».
La CIJ a fait de la défense des droits fondamentaux face aux mesures anti-terroristes une des ses plus grande priorité. Cette année, elle convoquera un panel d’éminents juristes pour examiner si ces mesures respectent les droits de l’Homme.
Ce panel se consacrera l’année prochaine à écouter les avocats, les défenseurs des droits de l’Homme et les victimes de toutes les régions du monde, dans une série d’auditions nationales et régionales. Les juristes rapporteront à la CIJ leurs constatations, qui serviront à guider le travail futur de l’organisation.
La conférence, qui est accueillie par le Ministère allemand des Affaires Etrangères, se termine demain par l’adoption d’une déclaration sur la défense des droits de l’Homme dans la lutte contre le terrorisme. Elle affirmera l’engagement du réseau mondial de la CIJ, comprenant des avocats, des juges et des défenseurs des droits de l’Homme, à travailler ensemble pour défendre les droits de l’Homme.
La conférence est co-sponsorisée par le Gouvernement allemand, la Friedrich-Ebert Stiftung et NOVIB.
conference human rights terrorism-press release-2004-fra (texte complet en PDF)
conference human rights terrorism-press release-2004-ger (Ganze Text auf Deutsch, PDF)
Aug 17, 2004 | Communiqués de presse, Nouvelles
La conférence biennale de la Commission Internationale de Juristes (CIJ) sur le thème « Terrorisme et droits de l’Homme – enjeux et réponses » aura lieu à Berlin du 27 au 28 août 2004 avec le soutien du Ministère allemand des Affaires étrangères.
La conférence réunira cent soixante éminents juristes et activistes internationaux des droits de l’Homme, venant de plus de soixante pays pour rassembler la communauté juridique mondiale et pour réaffirmer que la lutte contre le terrorisme peut et doit se mener dans le respect des droits de l’Homme.
Dans le climat d’insécurité générale que crée le spectre terroriste, le droit international et les droits de l’Homme font face à de nouvelles menaces. Certaines mesures anti-terroristes adoptées depuis 2001 violent des garanties bien établies des droits de l’Homme, telles que la prohibition de la torture.
Dans certains pays, la « guerre contre le terrorisme » a donné une légitimité douteuse à des violations de droits de l’Homme, commises depuis des années au nom de la sécurité nationale.
« Les gouvernements doivent protéger leurs citoyens, mais les mesures anti-terroristes posent l’une des plus graves menaces pour l’Etat de droit et les droits de l’Homme que nous ayons vue en plus de cinquante ans », déclare Nicholas Howen, Secrétaire général de la CIJ.
« Nous rassemblons cent soixante juges, avocats et experts en droits de l’Homme bénéficiant d’une longue expérience, qui ont eux-mêmes été témoins de cycles terroristes et anti-terroristes dans leur propre pays. Ils formuleront des principes juridiques claires et définiront les limites acceptables aux mesures anti-terroristes», ajoute-t-il.
La nouvelle Haut Commissaire aux droits de l’Homme des Nations Unis, Louise Arbour, interviendra lors de la conférence pour clarifier, pour la première fois depuis son entrée en fonction, sa position sur le thème des droits de l’Homme dans la lutte contre le terrorisme.
Le juge Arthur Chaskalson, Président de la CIJ et Président de la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, ainsi que Hina Jilani, Représentante spéciale des Nations Unis pour les défenseurs des droits de l’Homme, feront également partie des intervenants. Interviendront aussi Kerstin Müller, Ministre adjointe aux Affaires étrangères et Brigitte Zypries, Ministre de la Justice.
La Commission Internationale de Juristes est un réseau de juges et d’avocats unis dans la défense et l’avancement du droit international, des principes de l’Etat de droit et des droits de l’Homme. L’organisation, fondée en 1952 à Berlin, a son siège à Genève et comprend soixante juristes internationaux de toutes les régions du monde.
« Après un demi-siècle, la CIJ retourne à son lieu de naissance pour défendre les valeurs sur lesquelles elle se fonde dans un climat international qui préoccupe de plus en plus la communauté internationale des droits de l’Homme », déclare M. Howen.
LIEU
Ministère des affaires étrangères,
Berlin, Allemagne.
Werderscher Markt 1 (entrée principale)
Unterwasserstrasse 10 (entrée pour la conférence)
LANGUES
La conférence se tiendra en anglais et français, avec traduction simultanée.
terorism conference Berlin-press release-2004-fra (Communiqué de presse complet, PDF)
terorism conference Berlin-events-2004-fra (biographies des intervenants en ENG, PDF)
May 19, 2004 | Communiqués de presse, Nouvelles
la CIJ a réclamé la mise sur pied immédiate par les Forces de la Coalition d’une enquête indépendante et impartiale sur le traitement des détenus et l’ensemble du processus d’arrestation et de détention des personnes en Irak.
Cette demande intervient alors que la première cour martiale jugeant un soldat américain impliqué dans les sévices infligés à des détenus irakiens s’est achevée aujourd’hui.
« Les poursuites judiciaires à l’encontre de quelques individus qui ont commis ces crimes sont un début, mais ne sont pas suffisantes. Une enquête militaire interne telle que celle ayant abouti au rapport de Taguba n’est pas non plus satisfaisante », a dit Nicholas Howen, secrétaire général de la CIJ. « Une enquête indépendante devrait établir qui dans les chaînes de commandement militaire et civile a ordonné ou toléré ces sévices et dans quelles mesures les méthodes d’interrogation, qu’elles aient été utilisées par des soldats ou des entreprises sous contrat privé, reflètent une politique expresse ou implicite. »
En vertu du droit international et de la pratique, une enquête n’est effective et crédible qu’aux conditions suivantes:
- elle est conduite par des personnes choisies pour leur impartialité, compétence et indépendance reconnues et qui sont indépendantes de toute institution, agence ou personne qui pourrait être l’objet de l’enquête;
- a l’autorité de contraindre tous les fonctionnaires militaires et civils à paraître devant elle et à témoigner;
- a le pouvoir d’émettre des citations à comparaître aux témoins, y compris aux fonctionnaires qui pourraient être impliqués, d’exiger la production de preuves et d’effectuer des visites immédiates sur place;
- s’assure que les victimes et/ou leurs parents sont impliqués dans le processus et peuvent être représentés;
- prend les mesures nécessaires pour protéger de mauvais traitements, de mesures d’intimidation ou de représailles toute personne impliquée dans l’enquête, y compris ceux qui déposent des plaintes ou sont témoins et;
- conduit à la réparation, y compris à l’indemnisation, qui doit être octroyée aux victimes ou à leurs familles et n’est pas un substitut à la poursuite pénale des responsables à tous les niveaux.
L’enquête devrait aller au-delà des responsabilités pour les actes de torture et de mauvais traitements eux-mêmes. Elle devrait examiner de façon exhaustive l’ensemble du processus d’arrestation et de détention en Irak pour établir quelles autres violations ont lieu et quelles garanties devraient être mises en place pour protéger les personnes à tous les niveaux.
« L’absence de mesures de sauvegarde et de contrôle à partir du moment où une personne est arrêtée par des soldats ou par la police irakienne crée un environnement dans lequel ce genre de violations sont susceptibles de se produire en toute impunité », a rajouté Nicholas Howen.
« Combien de ces détenus n’auraient pas dû en premier lieu être maintenus en détention et combien ont tout simplement disparus ? » a-t-il souligné, compte tenu du rapport du CICR de février 2004 citant des représentants des Forces de la Coalition estimant que 70 à 90% des détenus en Irak ont été arrêtés « par erreur ». Le CICR a également indiqué qu’en manquant à l’obligation de prévenir les familles, nombre de détentions sont en fait des « disparitions de facto ».
« L’expérience partout dans le monde a démontré que des détenus qui sont coupés du monde extérieur, dont la famille n’a aucune idée du lieu où ils sont, ni pourquoi ils ont été arrêtés et qui ne peut s’adresser à aucune cour, font face au risque grave d’être torturés ou tués en détention. Le CICR lui-même n’a pas accès à tout en Irak », a rajouté Nicholas Howen.
L’enquête devrait examiner pourquoi les entreprises sous contrat privé – pour lesquels les Forces de la Coalition demeurent responsables – semblent s’être vu confier des pouvoirs aussi étendus, et devrait recommander la mise sur pied de garanties et de mesures de contrôle.
La CIJ a aujourd’hui invité les experts de la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies, en particulier le Rapporteur spécial sur la torture, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et le Groupe de travail sur la détention arbitraire, à entreprendre une mission conjointe en Irak.
« Nous exhortons le Royaume-Uni et les Etats-Unis à coopérer avec une telle mission d’experts des Nations Unies, de même qu’avec la mission chargée d’examiner la situation des droits de l’Homme en Iraq au cours de l’année écoulée initiée par le Haut-Commissaire par intérim aux droits de l’Homme », a dit Nicholas Howen.
La CIJ a également exprimé son inquiétude quant au fonctionnement de la justice militaire dans le cadre de laquelle ces violations de droits de l’Homme sont poursuivies. A l’occasion du procès qui s’est tenu à Bagdad aujourd’hui, les autorités américaines auraient autorisé l’accès à la salle d’audience aux journalistes, mais l’aurait dénié aux observateurs judiciaires d’organisations de droits de l’Homme.
« Compte tenu de l’intense polémique, les Forces de la Coalition doivent agir de manière transparente», a dit Nicholas Howen, avant d’ajouter « Assurément, les autorités devraient autoriser dans la salle d’audience la présence d’observateurs judiciaires d’organisations de droits de l’Homme qui disposent des connaissances pour confirmer si la justice en effet est rendue».
La CIJ a réitéré sa position selon laquelle, en droit international et dans la pratique, les soldats présumés auteurs de crimes de guerre ou d’autres crimes graves du droit international, tels que la torture, devraient être jugés par un tribunal de droit commun indépendant et impartial, appliquant des procédures normales et suivant les standards usuels en matière de procès équitable.
En vertu du droit international, des personnes qui ont commis des actes de torture ou d’autres crimes internationaux ne peuvent pas échapper à une condamnation en plaidant qu’elles ne faisaient qu’obéir à des ordres.
Les supérieurs, qu’ils soient militaires ou civils, peuvent également être considérés comme pénalement responsables pour les actes commis par des subordonnés sous leur autorité effective ou contrôle, s’ils avaient l’opportunité raisonnable ou l’obligation juridique d’empêcher ou d’arrêter de tels actes.
Peu importe que les supérieurs aient ordonné ou acquiescé les sévices ou qu’ils aient manqué à l’obligation de prévenir ou de faire cesser de tels actes.
C’est dans ce climat d’impunité qu’un civil américain a été décapité en Irak par représailles pour les actes de mauvais traitements et de torture infligés aux détenus irakiens.
La CIJ condamne cette exécution dans les termes les plus forts. Les auteurs d’un tel crime doivent être jugés. Un crime ne saurait en aucun cas justifier la perpétration d’un autre crime.
May 18, 2004 | Communiqués de presse, Nouvelles
La coalition des ONG internationales contre la torture (CINAT) est gravement inquiète des rapports récemment parus sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés aux détenus irakiens par les forces militaires américaines et britanniques servant sous la bannière de l’Autorité provisoire de la coalition.
14 mai 2004
La coalition des ONG internationales contre la torture (CINAT) {{1}} est gravement inquiète des rapports récemment parus sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés aux détenus irakiens par les forces militaires américaines et britanniques servant sous la bannière de l’Autorité provisoire de la coalition.
La CINAT attire l’attention sur le fait que la torture et autres formes de mauvais traitements sont interdits dans toutes circonstances: le droit international ne permet aucune exception à cette règle. Nous espérons que la clameur internationale qui a suivi ces révélations servira d’avertissement aux gouvernements concernés et à tous les autres états; la vigilance doit demeurer le mot d’ordre.
Ces images flagrantes d’abus sont symptomatiques de la tendance alarmante qui s’affiche depuis quelques années et qui a pour conséquence d’ébranler les principes des droits de l’Homme et du droit international humanitaire dans la lutte contre le terrorisme.
Cette tendance est évidente non seulement dans l’isolation et l’abus des prisonniers en Irak, mais également dans d’autres parties du monde, telles que la baie de Guantánamo et les centres secrets de détention où les prisonniers sont détenus délibérément en dehors de la protection de la loi.
Il est également inquiétant de noter le débat actuel engagé autour de la question de savoir quelles seraient des techniques d’interrogatoire appropriées, et l’apparente “acceptabilité” de certaines formes de mauvais traitements et de torture délibérément infligés.
La CINAT appelle à une enquête approfondie et publique afin d’établir les faits relatifs aux allégations de torture et de mauvais traitements en Irak. Conformément à la déclaration faite par le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la torture le 3 mai, la CINAT lance un appel à “tous les pays ayant des forces armées servant en Irak à prendre des mesures promptes et efficaces afin d’enquêter, d’engager des poursuites et d’imposer des sanctions appropriées contre toute personne coupable des violations alléguées, et de fournir un recours effectif et une réparation adéquate aux victimes de ces abus”, y compris l’indemnisation et la réhabilitation.
La CINAT rappelle aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, et aux autres états que leur engagement à prévenir la torture et à réhabiliter les victimes, et à respecter les droits de l’Homme et le droit international humanitaire, exige le soutien actif des plus hautes autorités militaires et politiques. En particulier, les états doivent:
- Déclarer sans équivoque que la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris ce qu’il est convenu d’appeler les techniques de stress et de contrainte, sont strictement interdits en toutes circonstances ;
- Etablir des mécanismes clairs et transparents afin de garantir le respect de cette interdiction à tous les niveaux;
- Mettre fin à la détention au secret;
- Garantir des enquêtes indépendantes, impartiales, promptes et exhaustives sur chaque allégation de torture ou de tout autre abus et, s’il y a suffisamment de preuves, engager des poursuites et assurer qu’aucune personne déclarée responsable ne jouira de l’impunité, quelque soit sa position ou son rang;
- Fournir aux victimes ou à leurs familles une réparation totale et adéquate, tel que prévu par le droit international;
- S’assurer que le personnel civil et militaire est suffisamment bien formé aux droits de l’Homme et au droit international humanitaire, et que ces obligations légales sont pleinement intégrées dans la culture de l’armée;
- Garantir aux moniteurs des droits de l’Homme, y compris les Nations Unies, le CICR et les organisations non gouvernementales appropriées, un accès immédiat aux établissements de détention dans le monde entier;
- Engager un examen exhaustif des procédés d’interrogatoire afin de garantir qu’ils sont conformes aux normes internationales interdisant la torture et les mauvais traitements;
- Garantir un mécanisme qui permette aux détenus de contester la légalité de leur détention et de porter plainte au sujet de leur traitement;
- Examiner le statut légal de toute personne détenue en Irak par la Coalition, afin de s’assurer que tous ceux qui ne devraient pas être détenus soient libérés immédiatement et inconditionnellement.
La CINAT souligne également que les états demeurent responsables et ne peuvent se cacher derrière des entrepreneurs privés pour échapper à leurs obligations en vertu du droit international.
Ces révélations récentes soulignent l’importance de l’ouverture des portes de tous les lieux de détention à des organes de surveillance indépendants et impartiaux.
Par conséquent, nous appelons à tous les états à signer et à ratifier dès que possible la Convention des Nations Unies contre la torture et autres traitements ou punitions cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que son protocole facultatif, qui est un instrument de prévention établissant un système national et international pour la surveillance externe de tous les lieux de détention.
Iraq-torture-news-2004-fra (Texte complet en PDF)
Pied de page:
[[1]] Organisations membres de la CINAT: Amnesty International, l’Association pour la prévention de la torture (APT), la Commission Internationale de Juristes (ICJ), la Fédération Internationale de l’ Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (FIACAT), le Conseil international pour la réhabilitation des victimes de torture (IRCT), Redress et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).
Feb 4, 2004 | Événements
Allocution de Michèle Rivet donnée lors de la Conférence Annuelle de l’Institut canadien d’administration de la justice, à Banff, du 13 au 17 octobre 2003.
L’histoire contemporaine nous enseigne que les sociétés civiles qui se construisent à l’aune de la démocratie doivent non seulement accorder des réparations de nature économique aux victimes de l’ancien régime, mais encore doivent-elles faire la paix avec le passé: commissions de vérité, poursuites pénales, nationales ou internationales des dirigeants et collaborateurs de l’ancien régime, «lustration » même, c’est-à-dire processus qui oblige ceux qui ont transgressé les droits de la personne à quitter leurs fonctions, voilà donc quelques-unes des approches retenues par les pays en transition.
La rétroactivité des moyens utilisés heurte de plein front la norme constitutionnelle et internationale de légalité. C’est donc au nom d’une loi supérieurement hiérarchique, au nom aussi des principes fondamentaux des droits de la personne qui constituent une coutume internationale que ces actions peuvent être menées dans un État.
Mais comment concilier le principe premier de l’indépendance de la magistrature, soit celui de l’inamovibilité des juges, principe si cher aux yeux des juges canadiens et si bien articulé par la Cour Suprême du Canada, d’ailleurs clairement reconnu par les instruments européens, avec la nécessité d’ainsi faire la paix avec le passé?
Si nous, juges canadiens, ne pouvons qu’applaudir l’attitude des juges Sud Africains, qui bien qu’appelés à le faire ont refusé de témoigner devant la Commission de vérité présidée par Desmond Tutu, à la fin des années 1990, force est de reconnaître que l’approche retenue par le gouvernement en Serbie est tout à fait différente, et que partant les juges n’auront pas la même marge de manœuvre.
Nous avons longuement élaboré sur le processus de « lustration » qui prend place en Serbie. Il est essentiel que la Commission d’enquête soit un organe indépendant et autonome du gouvernement. Il faut aussi que, dans la réalité, les membres nommés soient effectivement indépendants.
Il est essentiel de plus que les règles d’équité procédurale soient respectées, afin que ne soient ciblés que les juges qui ont commis des grossières violations des droits de la personne. Le processus de « lustration » doit se faire dans la transparence et doit être circonscrit dans le temps.
En remontant jusqu’en 1976, la Loi de « lustration » serbe fouille très loin dans le passé des juges. La plus grande rigueur sera donc de mise afin d’éviter que cette Loi, dont le but ultime est de faciliter la transition vers la démocratie, ne devienne plutôt une loi dangereuse susceptible d’engendrer d’autres violations des droits fondamentaux.
C’est un défi de taille auquel nos collègue serbes font face: leur intelligence, leur énergie, et leur lucidité sont pour nous source d’inspiration.
L’indépendance de la magistrature fonde la société civile. Si elle est difficile à atteindre, elle est aussi fragile et précieuse.
C’est là une leçon que nous donnent nos collègues serbes dans le dialogue constant que nous avons avec eux. Les juges canadiens et les juges serbes parlent la même langue, celle de l’État de droit.
Canadian judges in Serbia-events-2004
Dec 5, 2003 | Communiqués de presse, Nouvelles
Aujourd’hui la Commission Internationale de Juristes, membre du jury du Prix Martin Ennals pour les Défenseurs des Droits de l’Homme (MEA), annonce que Lida Yusupovaa été élue lauréate 2004 du Prix Martin Ennals.
Lida Yusupova est, depuis trois ans, coordinatrice à Grozny du bureau de l’organisation russe de défense des droits de l’Homme Memorial. Ce bureau, composé d’un petit effectif de six personnes, est un des seuls à poursuivre ses activités de défense des droits de l’Homme dans cette république de la Fédération russe.
Lida Yusupova se consacre au recueil de témoignages des victimes qui osent se rendre au bureau de Memorial à Grozny. Elle se rend aussi sur le lieu d’exactions, là où des massacres ou des disparitions forcées se sont produites. Lida Yusupova accompagne également les victimes dans leurs démarches auprès des services de sécurité et de l’armée russes et apporte une assistance judiciaire aux victimes, dans la mesure où cela est encore possible dans le système judiciaire défaillant de cette partie de la Russie.
Le Président du jury du MEA, Hans Thoolen, a déclaré que Lida Yusupova était l’une des femmes les plus courageuses d’Europe aujourd’hui. Selon lui, « toutes les organisations de droits de l’Homme s’accordent dans un parfait consensus pour dire que Lida Yusupova mérite ce prix pour ses efforts constants dans une situation de guerre et d’extrême danger, alors même que les femmes font actuellement face à des risques accrus». De plus, le bureau de Grozny est contraint de fonctionner dans un isolement quasi-total, l’accès au territoire tchétchène pour les ONG internationales, les organisations intergouvernementales et les médias indépendants étant très strictement restreint. L’année dernière, le bureau de Lida Yusupova a été la cible d’une attaque directe de l’armée. Malgré cela, le personnel de l’association a inlassablement poursuivi son indispensable travail de monitoring.
La cérémonie de remise du Prix aura lieu le 7 avril 2004 à Genève. Elle sera retransmise par la Télévision Suisse Romande et par TV5 pour des millions de téléspectateurs.
Le Prix Martin Ennals des droits de l’Homme constitue une collaboration unique entre dix organisations internationales de défense des droits de l’Homme. Les membres du Jury du prix Martin Ennals sont: Amnesty International, Defence for Children, German Diakona, Human Rights Watch, HURIDOCS, International Alert, la Commission Internationale de Juristes, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, le Service international pour les droits de l’Homme et l’Organisation Mondiale contre la Torture, où se trouve aussi le siège du MEA.
Les dix lauréats précédents du MEA sont: Alirio Uribe Muñoz, Colombie (2003) Jacqueline Moudeïna, Tchad (2002); les Brigades de Paix Internationales (2001); Immaculée Birhaheka, RDC (2000); Natasha Kandic, Yougoslavie (1999); Eyad El Sarraj, Palestine (1998); Samuel Ruiz Garcia, Mexique (1997); Clément Nwankwo, Nigéria (1996); Asma Jahangir, Pakistan (1995); Harry Wu, Chine (1994).
Martin Ennals (1927-1991) a joué un rôle décisif dans le mouvement moderne des droits de l’Homme en prônant la coopération et la solidarité entre les ONG. En militant acharné, il a été le premier Secrétaire général d’Amnesty International mais aussi le moteur de nombreuses autres organisations. Un de ses souhaits les plus chers était celui d’une coopération croissante et solidaire entre ONG: le MEA est la preuve que cela est possible.
Pour plus d’informations sur le MEA, voirwww.martinennalsaward.org
Russia-Martin Ennals Award Yusupova-press release-2003-fra (Communiqué de presse complet en PDF)