Climat délétère pour les avocats tunisiens

Climat délétère pour les avocats tunisiens

La CIJ a aujourd’hui adressé aux autorités tunisiennes une intervention dans laquelle elle exprime ses préoccupations sur le climat délétère régnant en Tunisie à l’encontre des avocats.
Depuis le mois de mars 2005, la multiplication des attaques contre les avocats et les tentatives d’interférences dans le fonctionnement du barreau tunisien sont des plus préoccupantes et portent gravement préjudice au bon fonctionnement de la justice, laquelle repose sur l’existence d’une magistrature et d’un barreau indépendants.

Tunisia-lawyers-open letter-2005 (Texte complet en PDF)

La CIJ et la FIDH condamnent l’instrumentalisation de la justice dans le procès de Me Abbou

La CIJ et la FIDH condamnent l’instrumentalisation de la justice dans le procès de Me Abbou

La CIJ et la FIDH expriment leurs plus vives préoccupations suite à la condamnation par la justice tunisienne de l’avocat tunisien Maître Mohammed Abbou, le 28 avril 2005 à une lourde peine d’emprisonnement.

« Cette affaire est symptomatique de l’instrumentalisation par l’Exécutif et des dysfonctionnements du système judiciaire tunisien », ont souligné aujourd’hui les deux organisations de défense des droits de l’Homme.

Me Mohammed Abbou incarcéré depuis le 1er mars 2005, a été condamné à une peine de trois ans et six mois de prison ferme par la 4ème Chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Tunis dans le cadre de deux affaires jugées le même jour.

La première affaire porte sur la “publication d’écrits de nature à troubler l’ordre public” et sur la “diffamation d’instances judiciaires” suite à la publication d’un article en août 2004 dans lequel Mohammed Abbou comparait les conditions de détention dans les prisons tunisiennes à celles dans la prison d’Abou Ghraib en Irak.

La deuxième affaire a été ajoutée la semaine dernière et est relative à une plainte pour violences déposée par une avocate en juin 2002, suite à une altercation entre celle-ci et Mohammed Abbou.

« Etre arrêté et condamné à une peine de prison ferme pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression est inacceptable. Quant à la condamnation pour agression, elle semble pour le moins douteuse.

Me Abbou n’a pas bénéficié des garanties élémentaires du droit à un procès équitable. La possibilité d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge ou à décharge lui ayant été refusée, cette condamnation repose sur de simples allégations », a constaté Nicholas Howen, Secrétaire général de la Commission internationale des juristes.

« La peine de trois ans et demi de prison infligée à Me Abbou ne vise en réalité à sanctionner que sa liberté d’expression. Sa détention ne peut en conséquence qu’être qualifiée d’arbitraire», a ajouté Sidiki Kaba, Président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme.

La CIJ et la FIDH qui avaient mandaté une observatrice judiciaire au procès de maître Abbou dénoncent les conditions déplorables dans lesquelles s’est déroulé son procès.

Avocats, observateurs et journalistes venus en nombre assister au procès ont dû attendre plusieurs heures avant de pouvoir accéder au tribunal, de nombreux représentants des forces de l’ordre se trouvant à l’intérieur de l’édifice et constituant un barrage entre la cour et les avocats.

Certaines personnes se sont vues refuser l’accès à la salle d’audience.

Suite à l’annonce par la Cour de sa décision de statuer simultanément sur deux affaires distinctes, la défense a demandé un report de l’affaire relative à l’agression. Ce dernier chef d’inculpation n’a été ajouté au dossier que tardivement et la défense n’avait pas été informée du jugement de cette affaire dans le cadre de ce procès.

La défense de Maître Abbou n’a donc pas été en mesure de se préparer. Tant le refus de la Cour de reporter le jugement de cette affaire, que la conduite des débats en violation du principe du contradictoire et l’empressement avec lequel elle a été traitée menant à une condamnation de deux années d’emprisonnement, constituent une violation grave des garanties internationales relatives au droit à un procès juste et équitable et des droits de la défense, notamment de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel la Tunisie est partie.

Nos organisations dénoncent par ailleurs, l’impossibilité pour le prévenu de s’exprimer comme il le souhaitait au cours des débats, l’ordre lui étant intimé de répondre aux questions du juge par l’affirmative ou la négative.

Nos organisations déplorent également la clôture rapide par le président de la Cour de l’instruction et de l’interrogatoire ainsi que la déclaration du Procureur au début de l’audience de simplement s’en remettre à la décision du juge.

Nos organisations réitèrent leur appel aux autorités tunisiennes de respecter la liberté d’expression et de garantir le droit à un procès équitable en Tunisie, conformément aux dispositions des instruments internationaux applicables en la matière.

Les avocats de la défense ayant fait connaître leur décision d’interjeter appel, nos organisations demandent aux autorités tunisiennes de s’assurer qu’un procès juste et équitable par un tribunal compétent, indépendant et impartial soit garanti à l’occasion du procès en appel.

Tunisia-trial Abbou-press release-2005-eng (text in English, PDF)

Tunisia-trial Abbou-press release-2005-fra (text in French, PDF)

Les juges Canadiens en Serbie: la remise en question des certitudes

Les juges Canadiens en Serbie: la remise en question des certitudes

Allocution de Michèle Rivet donnée lors de la Conférence Annuelle de l’Institut canadien d’administration de la justice, à Banff, du 13 au 17 octobre 2003.

L’histoire contemporaine nous enseigne que les sociétés civiles qui se construisent à l’aune de la démocratie doivent non seulement accorder des réparations de nature économique aux victimes de l’ancien régime, mais encore doivent-elles faire la paix avec le passé: commissions de vérité, poursuites pénales, nationales ou internationales des dirigeants et collaborateurs de l’ancien régime, «lustration » même, c’est-à-dire processus qui oblige ceux qui ont transgressé les droits de la personne à quitter leurs fonctions, voilà donc quelques-unes des approches retenues par les pays en transition.

La rétroactivité des moyens utilisés heurte de plein front la norme constitutionnelle et internationale de légalité. C’est donc au nom d’une loi supérieurement hiérarchique, au nom aussi des principes fondamentaux des droits de la personne qui constituent une coutume internationale que ces actions peuvent être menées dans un État.

Mais comment concilier le principe premier de l’indépendance de la magistrature, soit celui de l’inamovibilité des juges, principe si cher aux yeux des juges canadiens et si bien articulé par la Cour Suprême du Canada, d’ailleurs clairement reconnu par les instruments européens, avec la nécessité d’ainsi faire la paix avec le passé?

Si nous, juges canadiens, ne pouvons qu’applaudir l’attitude des juges Sud Africains, qui bien qu’appelés à le faire ont refusé de témoigner devant la Commission de vérité présidée par Desmond Tutu, à la fin des années 1990, force est de reconnaître que l’approche retenue par le gouvernement en Serbie est tout à fait différente, et que partant les juges n’auront pas la même marge de manœuvre.

Nous avons longuement élaboré sur le processus de « lustration » qui prend place en Serbie. Il est essentiel que la Commission d’enquête soit un organe indépendant et autonome du gouvernement. Il faut aussi que, dans la réalité, les membres nommés soient effectivement indépendants.

Il est essentiel de plus que les règles d’équité procédurale soient respectées, afin que ne soient ciblés que les juges qui ont commis des grossières violations des droits de la personne. Le processus de « lustration » doit se faire dans la transparence et doit être circonscrit dans le temps.

En remontant jusqu’en 1976, la Loi de « lustration » serbe fouille très loin dans le passé des juges. La plus grande rigueur sera donc de mise afin d’éviter que cette Loi, dont le but ultime est de faciliter la transition vers la démocratie, ne devienne plutôt une loi dangereuse susceptible d’engendrer d’autres violations des droits fondamentaux.

C’est un défi de taille auquel nos collègue serbes font face: leur intelligence, leur énergie, et leur lucidité sont pour nous source d’inspiration.

L’indépendance de la magistrature fonde la société civile. Si elle est difficile à atteindre, elle est aussi fragile et précieuse.

C’est là une leçon que nous donnent nos collègues serbes dans le dialogue constant que nous avons avec eux. Les juges canadiens et les juges serbes parlent la même langue, celle de l’État de droit.

Canadian judges in Serbia-events-2004

Le harcèlement des avocats continue

Le harcèlement des avocats continue

Dans une lettre adressée au Ministre de la justice tunisien, la CIJ déplore la décision de ne pas autoriser Maître Nouri à quitter la Tunisie pour participer à un événement public à Genève.

La CIJ prie le gouvernement de cesser toutes formes d’attaques à l’encontre des avocats et de garantir leur droit d’exercer leur profession sans crainte de harcèlement ou de sanction.

Le 15 décembre 2003

M. Béchir Tekkari
Ministre de la justice et des droits de l’homme
31 Av. Bab Benat,
1006 Tunis – La Kasbah
Tunisie

Fax: +216 71 568 106

Monsieur le Ministre,

La Commission internationale de juristes (ICJ) est composée d’éminents juristes issus des différentes régions et traditions juridiques dans le monde oeuvrant pour la défense de l’Etat de droit et la protection des droits de l’homme.

Le Centre pour l’indépendance des juges et des avocats de la CIJ est consacré à la défense de l’indépendance des juges et des avocats à travers le monde.

Nous vous écrivons au sujet de Me Mohamed Nouri, avocat au barreau de Tunis et président de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISPP), qui n’a pas été autorisé à quitter la Tunisie alors qu’il devait participer à une conférence co-organisée par son organisation.

Selon les informations que nous avons reçues, le 9 décembre, la police des frontières n’a pas autorisé Me Nouri à quitter la Tunisie pour participer à un événement public organisé par l’AISPP, Verité-Action, et le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) à Genève, en Suisse. Aucune justification n’a été fournie pour motiver cette décision.

Me Nouri avait pourtant préalablement reçu confirmation d’un juge d’instruction qu’il n’y avait aucune décision de justice lui interdisant de quitter le territoire national.

À cet égard, nous voudrions attirer votre attention sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel la Tunisie est partie. Le Pacte international consacre ainsi le droit de toute personne de quitter son pays et énonce également les restrictions possibles à l’exercice de ce droit.

Article 12, paragraphe 2:

Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.

Article 12, paragraphe 3 :
Les droits mentionnés ci-dessus ne peuvent être l’objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par le présent Pacte.

Le Comité des droits de l’homme a été amené à expliciter dans son observation générale N° 27 consacrée à la liberté de circulation que « la liberté de quitter le territoire d’un État ne peut être subordonnée à un but particulier ni à la durée que l’individu décide de passer en dehors du pays. Se trouvent donc visés le voyage à l’étranger aussi bien que le départ définitif de la personne qui souhaite émigrer. De même, cette garantie légale s’étend au droit de choisir l’État où l’individu souhaite se rendre ».

Dans la mesure où il n’existe aucune raison légitime d’empêcher Me Nouri de quitter la Tunisie, cette interdiction est arbitraire et constitue une violation des droits de Me Nouri et des obligations internationales de votre gouvernement.

Nous pensons que cette décision visait à empêcher la participation de Me Nouri à la conférence mentionnée ci-dessus et constitue ainsi une forme de harcèlement et une violation de sa liberté d’expression et ce, en raison de son appartenance à l’AISPP.

À cet égard, nous voudrions également attirer votre attention sur les Principes de base des Nations Unies relatifs au rôle du barreau adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1990. Les principes énoncent que les gouvernements ont le devoir et l’obligation d’assurer que les avocats peuvent accomplir leurs fonctions sans crainte d’être harcelés et que les avocats ont le droit d’exprimer librement leurs opinions. Ainsi les Principes disposent :

Principe 16 :
Les pouvoirs publics veillent à ce que les avocats :
(a) puissent s’acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue;
(b) puissant voyager et consulter leurs clients librement, dans le pays comme à l’étranger; et
(c) ne fassent pas l’objet, ni ne soient menacés de poursuites ou de sanctions économiques ou autres pour toutes mesures prises conformément à leurs obligations et normes professionnelles reconnues et à leur déontologie.

Principe 23 :
Les avocats, comme tous les autres citoyens, doivent jouir de la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion.

En particulier, ils ont le droit de prendre part à des discussions publiques portant sur le droit, l’administration de la justice et la promotion et la protection des droits de l’homme et d’adhérer à des organisations locales, nationales ou internationales, ou d’en constituer, et d’assister à leurs réunions sans subir de restrictions professionnelles du fait de leurs actes légitimes ou de leur adhésion à une organisation légitime.

Dans l’exercice de ces droits, des avocats doivent avoir une conduite conforme à la loi et aux normes reconnues et à la déontologie de la profession d’avocat.

Nous invitons donc votre gouvernement à s’assurer que le droit de Me Nouri de quitter la Tunisie est entièrement respecté et de cesser de harceler Me Nouri en raison de son appartenance à l’AISPP.

Nous prions également votre gouvernement de cesser toutes formes d’attaques à l’encontre des avocats et de garantir leur droit d’exercer leur profession sans crainte de harcèlement ou de sanction.

Nous continuerons à suivre étroitement le cas de Me Nouri et la situation des avocats en Tunisie.

Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’assurance de ma très haute considération.

Ernst Lueber,
Secrétaire général par intérim

Cc : SE M. Habib Mansour
Mission permanente de la Tunisie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève
Rue de Moillebeau 58
1211, Genève 19

Fax: 022 734 0663

S.E. M. Yine El Abidine Ben Ali
President de la Tunisie
Palais de Carthage
Tunis, Tunisie

Fax: +216 71 744 721

M. Slaheddine Maâoui
Bureau du Premier Ministre
Minister chargé des droits de l’homme
Place du Governement
La Kasbah
1006 Tunis, Tunisie

Fax: +216 71 256 766

Tunisia-harassment lawyer-press release-2003-fra (Texte complet en PDF)

Tunisie: la grève de la faim de Radhia Nasraoui n’émeut guère les autorités

Tunisie: la grève de la faim de Radhia Nasraoui n’émeut guère les autorités

Le centre pour l’indépendance des juges et avocats (CIMA) de la CIJ exhorte le gouvernement tunisien à cesser le harcèlement de l’éminente avocate de droits de l’homme tunisienne qui a entrepris une grève de la faim pour dénoncer les attaques répétées du gouvernement dont elle fait l’objet.

Radhia Nasraoui, qui en est à son 25ème jour de grève de la faim, représente de nombreux clients dans des cas sensibles de droits de l’homme, y compris des cas de détenus politiques. Ses activités l’ont amenée à subir le harcèlement continu des autorités ces dernières années.

Elle a ainsi fait l’objet de!:

  • Agression et voie de fait!
  • Menaces contre sa famille, ses clients, et collègues; Saccage de son bureau
  • Confiscation de ses ordinateurs et des dossiers de ses clients!
  • Entraves à sa liberté de mouvements et à sa liberté d’expression!
  • Surveillance de son domicile et de son bureau
  • Ecoutes illégales de sa ligne téléphonique.

Tunisia-hunger strike-press release-2003-fra (Communiqué de presse complet en PDF)

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