Feb 4, 2004 | Événements
Allocution de Michèle Rivet donnée lors de la Conférence Annuelle de l’Institut canadien d’administration de la justice, à Banff, du 13 au 17 octobre 2003.
L’histoire contemporaine nous enseigne que les sociétés civiles qui se construisent à l’aune de la démocratie doivent non seulement accorder des réparations de nature économique aux victimes de l’ancien régime, mais encore doivent-elles faire la paix avec le passé: commissions de vérité, poursuites pénales, nationales ou internationales des dirigeants et collaborateurs de l’ancien régime, «lustration » même, c’est-à-dire processus qui oblige ceux qui ont transgressé les droits de la personne à quitter leurs fonctions, voilà donc quelques-unes des approches retenues par les pays en transition.
La rétroactivité des moyens utilisés heurte de plein front la norme constitutionnelle et internationale de légalité. C’est donc au nom d’une loi supérieurement hiérarchique, au nom aussi des principes fondamentaux des droits de la personne qui constituent une coutume internationale que ces actions peuvent être menées dans un État.
Mais comment concilier le principe premier de l’indépendance de la magistrature, soit celui de l’inamovibilité des juges, principe si cher aux yeux des juges canadiens et si bien articulé par la Cour Suprême du Canada, d’ailleurs clairement reconnu par les instruments européens, avec la nécessité d’ainsi faire la paix avec le passé?
Si nous, juges canadiens, ne pouvons qu’applaudir l’attitude des juges Sud Africains, qui bien qu’appelés à le faire ont refusé de témoigner devant la Commission de vérité présidée par Desmond Tutu, à la fin des années 1990, force est de reconnaître que l’approche retenue par le gouvernement en Serbie est tout à fait différente, et que partant les juges n’auront pas la même marge de manœuvre.
Nous avons longuement élaboré sur le processus de « lustration » qui prend place en Serbie. Il est essentiel que la Commission d’enquête soit un organe indépendant et autonome du gouvernement. Il faut aussi que, dans la réalité, les membres nommés soient effectivement indépendants.
Il est essentiel de plus que les règles d’équité procédurale soient respectées, afin que ne soient ciblés que les juges qui ont commis des grossières violations des droits de la personne. Le processus de « lustration » doit se faire dans la transparence et doit être circonscrit dans le temps.
En remontant jusqu’en 1976, la Loi de « lustration » serbe fouille très loin dans le passé des juges. La plus grande rigueur sera donc de mise afin d’éviter que cette Loi, dont le but ultime est de faciliter la transition vers la démocratie, ne devienne plutôt une loi dangereuse susceptible d’engendrer d’autres violations des droits fondamentaux.
C’est un défi de taille auquel nos collègue serbes font face: leur intelligence, leur énergie, et leur lucidité sont pour nous source d’inspiration.
L’indépendance de la magistrature fonde la société civile. Si elle est difficile à atteindre, elle est aussi fragile et précieuse.
C’est là une leçon que nous donnent nos collègues serbes dans le dialogue constant que nous avons avec eux. Les juges canadiens et les juges serbes parlent la même langue, celle de l’État de droit.
Canadian judges in Serbia-events-2004
Dec 5, 2003 | Communiqués de presse, Nouvelles
Aujourd’hui la Commission Internationale de Juristes, membre du jury du Prix Martin Ennals pour les Défenseurs des Droits de l’Homme (MEA), annonce que Lida Yusupovaa été élue lauréate 2004 du Prix Martin Ennals.
Lida Yusupova est, depuis trois ans, coordinatrice à Grozny du bureau de l’organisation russe de défense des droits de l’Homme Memorial. Ce bureau, composé d’un petit effectif de six personnes, est un des seuls à poursuivre ses activités de défense des droits de l’Homme dans cette république de la Fédération russe.
Lida Yusupova se consacre au recueil de témoignages des victimes qui osent se rendre au bureau de Memorial à Grozny. Elle se rend aussi sur le lieu d’exactions, là où des massacres ou des disparitions forcées se sont produites. Lida Yusupova accompagne également les victimes dans leurs démarches auprès des services de sécurité et de l’armée russes et apporte une assistance judiciaire aux victimes, dans la mesure où cela est encore possible dans le système judiciaire défaillant de cette partie de la Russie.
Le Président du jury du MEA, Hans Thoolen, a déclaré que Lida Yusupova était l’une des femmes les plus courageuses d’Europe aujourd’hui. Selon lui, « toutes les organisations de droits de l’Homme s’accordent dans un parfait consensus pour dire que Lida Yusupova mérite ce prix pour ses efforts constants dans une situation de guerre et d’extrême danger, alors même que les femmes font actuellement face à des risques accrus». De plus, le bureau de Grozny est contraint de fonctionner dans un isolement quasi-total, l’accès au territoire tchétchène pour les ONG internationales, les organisations intergouvernementales et les médias indépendants étant très strictement restreint. L’année dernière, le bureau de Lida Yusupova a été la cible d’une attaque directe de l’armée. Malgré cela, le personnel de l’association a inlassablement poursuivi son indispensable travail de monitoring.
La cérémonie de remise du Prix aura lieu le 7 avril 2004 à Genève. Elle sera retransmise par la Télévision Suisse Romande et par TV5 pour des millions de téléspectateurs.
Le Prix Martin Ennals des droits de l’Homme constitue une collaboration unique entre dix organisations internationales de défense des droits de l’Homme. Les membres du Jury du prix Martin Ennals sont: Amnesty International, Defence for Children, German Diakona, Human Rights Watch, HURIDOCS, International Alert, la Commission Internationale de Juristes, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, le Service international pour les droits de l’Homme et l’Organisation Mondiale contre la Torture, où se trouve aussi le siège du MEA.
Les dix lauréats précédents du MEA sont: Alirio Uribe Muñoz, Colombie (2003) Jacqueline Moudeïna, Tchad (2002); les Brigades de Paix Internationales (2001); Immaculée Birhaheka, RDC (2000); Natasha Kandic, Yougoslavie (1999); Eyad El Sarraj, Palestine (1998); Samuel Ruiz Garcia, Mexique (1997); Clément Nwankwo, Nigéria (1996); Asma Jahangir, Pakistan (1995); Harry Wu, Chine (1994).
Martin Ennals (1927-1991) a joué un rôle décisif dans le mouvement moderne des droits de l’Homme en prônant la coopération et la solidarité entre les ONG. En militant acharné, il a été le premier Secrétaire général d’Amnesty International mais aussi le moteur de nombreuses autres organisations. Un de ses souhaits les plus chers était celui d’une coopération croissante et solidaire entre ONG: le MEA est la preuve que cela est possible.
Pour plus d’informations sur le MEA, voirwww.martinennalsaward.org
Russia-Martin Ennals Award Yusupova-press release-2003-fra (Communiqué de presse complet en PDF)
Nov 26, 2001 | Articles, Nouvelles
Trois des principales organisations internationales de défense des droits de l’homme ont apporté aujourd’hui leur soutien à la loi belge de 1993 qui permet la poursuite en Belgique de responsables d’atrocités commises à l’étranger.
Human Rights Watch, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et la CIJ ont déclaré que cette loi, qui met en oeuvre le principe de la « compétence universelle », est essentielle pour empêcher les responsables de graves crimes de droit international d’échapper à la justice.
Une loi de 1993, modifiée en 1999, rend les tribunaux belges compétents pour poursuivre toute personne accusée de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre indépendamment d’une quelconque connexion du crime avec la Belgique et sans que la présence sur le territoire belge de la personne accusée soit requise.
« La loi belge s’inscrit dans un mouvement général pour traduire en justice ceux qui commettent des atrocités » ont ajouté les trois organisations. « Les poursuites basées sur la compétence universelle sont un élément essentiel dans la construction nouvelle d’une justice universelle. Elles sont importantes pour en finir définitivement avec l’impunité qu’organisent eux-mêmes les tyrans et les tortionnaires dans leurs propres pays. »
En application de cette loi, des plaintes ont été déposées en Belgique contre un nombre important de criminels soupçonnés de graves violations des droits de l’homme, en particulier contre le Premier Ministre israélien, Ariel Sharon et l’ancien dictateur du Tchad, Hissène Habré.
Au cours d’un procès qui fera date, quatre rwandais furent condamnés le 8 juin 2001 par un jury belge qui les a reconnus coupables de participation au génocide qui a ensanglanté leur pays.
Belgique-Défense des droits de l’homme-Article-FRA (Texte complet en PDF)
Oct 1, 2001 | Plaidoyer
La CIJ considère qu’à la lumière des principes généraux de droit international, du droit des traités et de la jurisprudence internationale, les mesures provisoires prévues à l’article 39 du règlement de la Cour ont un caractère contraignant pour l’Etat concerné.
Pour justifier cette opinion, cet Amicus Curiae, abordera les points suivants: la jurisprudence et la doctrine en la matière dans le système universel des droits de l’Homme (Point II) et dans le système interaméricain (Point III), la jurisprudence de la Cour internationale de justice (Point IV), l’interprétation téléologique des mesures provisoires (Point V) et nos conclusions fondées sur l’exposé des points précédents (Point VI).
Turkey-ECHR interim measures-legal submission-2001-fra (Texte complet en PDF)
Mar 24, 2000 | Communiqués de presse, Nouvelles
Le Conseil municipal de la Ville de Genève, a décidé de demander aux autorités fédérales helvétiques l’autorisation d’offrir la naturalisation genevoise aux 48 candidats rejetés à Emmen il y a quelques jours.
« Cette décision honore la Suisse toute entière » à déclaré le Secrétaire général de la CIJ aujourd’hui. « Le geste de Genève est une source d’encouragement pour tous les défenseurs des droits de la personne humaine et pour toutes celles et tous ceux qui sont inquiets de la remontée de la xénophobie en Suisse comme dans le reste de l’Europe.
Il n’est pas surprenant que cette décision juste vienne de Genève, ville internationale qui doit tout son prestige à sa longue histoire humaniste et cosmopolite », a déclaré le Secrétaire général.